
Le cinéma sans le film
Fantômes du cinéma dans l’art contemporain.
Editions Naima
ISBN 9-782374-402154
19,90 euros
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Sous-titré Fantômes du cinéma dans l’art contemporain, ce livre paru aux éditions Naima voit sa couverture illustrée par une œuvre plastique de l’auteur. Sa légende « Une image du film STRASKI 2008-2009 3 min 30 s couleur sonore/peintures huile sur papier » révèle la confusion des deux champs de création image. L’essai explore différents protocoles, divers métissages et autres hommages. Les paramètres du cinéma sont tous remis en question pour aboutir à des œuvres plastiques.
Des situations géographiques ou idéologiques ont porté atteinte à des cinémas locaux, Davy Chou témoigne ainsi de la situation cambodgienne suite aux attaques culturelles des Khmers rouges. Le sommeil d’or en 2011 documente la disparition de plus de 400 films produits entre 1960 et 1975, à laquelle s’ajoute le témoignage physique des anciennes salles de spectacle détruites. Dans sa série Espectadores Aleix Plademunt déplace les rangées de sièges du cinéma de Charm-el Cheikh dans les décors naturels. Henri Lemaitre définissait la salle comme « un tombeau provisoire et prestigieux ». Dans Movie Theaters Yves Marchand et Romain Meffre collectionnent les vues de salles désaffectées ou en reconversion vers d’autres commerces.
Dans ses ciné-compositions, Lev Koulechov insiste sur la possibilité d’un geste performatif sans film. Jay Chung convoque une équipe de réalisation sans en prévenir les membres qu’il n’y a pas de pellicule dans sa caméra. De Nothing is More Practical than Idealism il ne reste que la photo de groupe de la fin de tournage. À l’opposé plusieurs artistes ont exploité une image unique résultant de la fusion de tous les plans. En retirant l’écran Melik Ohanian produit en 2005 The Invisible Film, il projette Punishment Park de Peter Watkins directement sur les lieux du tournage. Hiroshi Sugimoto réunit toute la durée d’un seul film sur une seule photo réalisée à la chambre grand format. Jim Campbell fait de même dans Illuminated Average qui réunit tous les plans de Psychose d’Alfred Hitchcok.
Des artistes substituent au support traditionnel d’autres formes d’écran. Pour Yellow Movies en 1972, Tony Conrad utilise le jaunissement de la peinture au passage du temps. Alain Fleisher recrée un écran à partir de bandes de papier photosensible qu’il révèle après y avoir projeté les images d’un film. Michael Wezely utilise un sténopé urbain sur la Postdamer Platz à Berlin ayant enregistré sur place pendant deux ans.
Un déplacement des outils de création permet à Pierre Bismuth dans The Following of the Right Hand of en 2008 d’opérer des tracés au feutre sur un Plexiglas des gestes de la main d’un acteur ou d’une actrice révélés tout au long d’un film, qui en donnent un portrait graphique. Till Roeskens dresse quant à lui des plans de situation et déplacements de l’artiste qui constituent une topographie des lieux cinéfilmés.
En s’appuyant sur la prédominance du son Tanguy Viel dans Cinéma en 1999 fait le récit du Limier de Joseph L. Mankiewicz tandis que, dans son installation Postscipt/the Passenger Pierre Bismuthn en 1996 exploite uniquement la bande-son de Profession reporter d’Antonioni. Si l’auteur rapproche le concept de performance d’Erik Bullot grâce à la tradition japonaise des Benshi qui lisaient les intertitres, le lien réel au cinéma est plus aléatoire parce que plus lié à la performance et au re-enacment pratiqué dans la chorégraphie contemporaine. Ce n’est pas un hasard si 21,3 de Robert Morris est représenté au Judson Danxce Theater en 1964 pour l’actualisation du texte sur l’iconologie à la Renaissance de Panovsky. Certes, A lecture de Hollis Frampton lu par Michael Snow couple l’action d’un magnétophone et d’un projecteur 16 mm.
Pour finir, plusieurs chapitres examinent ces liens au cinéma à travers la figure de la demeure. Le livre s’ouvre sur l’analyse d’Une maison près de la voie ferrée d’Edward Hopper comme modèle de la maison dans Psychose, tandis qu’en 2016 Cornelia Parke recrée sur le toit du MET à New York Transitional Object Psycho Barn qui cite aussi le célèbre thriller. Dans la section « Une histoire de Serial Killer », une cabane est photographiée par Richard Barnes pour le New York Times, elle aurait été le refuge de l’écoterroriste Unabomber. Robert Kusmirowski et Setg Weiner en donnent une version 3D au New Museum de Washington pour les 100 ans du FBI. Une version miniature en est donnée par Jean Marie Krauth avec La maison du fassem en 1987, une petite maison en plomb est posée en équilibre sur deux seaux en plastique.


Bien d’autres exemples de ces croisements esthétiques sont abordés parmi les plus célèbres, le cinéma à l’arrêt de Gregory Crewdson dans ses scénographies urbaines de Beneath the Roses (2005) où des situations dramatiques sont exploitées dans une nouvelle, forme de peinture d’histoire. On découvre aussi de nombreux artistes moins connus qui, avec intelligence, développent cet imaginaire au sein des arts plastiques.