
Cristina Nuñez. So What
Édition Ajuntament de Figueres
ISBN 978-84-129116-3
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Née en 1962 en Catalogne à Figueres Cristina Nuñez n’y était jamais retournée. . Pour ses 62 ans, elle a été invitée dans sa ville pour son exposition So What à la salle d’exposition l’Escorxador jusqu’au 29 janvier 2025.
Le commissariat en est assumé par le duo Krystryna Dul et Paul di Felice responsable du Mois européen de la photo au Luxembourg. Reconnaissant qu’elle a toujours « un pied en enfer », elle a documenté toutes les péripéties de sa vie personnelle amoureuse et intime.
Si le titre de l’exposition pouvait sembler trahir une désinvolture ; So What ? Et alors ? ; c’est l’affaire de toute une vie où l’autoportrait apparait d’abord comme réparateur, résilient de toutes ses situations dont elle s’est sauvée, comme ses deux amants atteints du sida qui ne l’ont pas contaminée, les pertes familiales des proches, les dépressions, son addiction à l’héroïne… Krystyna Dul titre justement son texte critique Dancing the Pain Away.

Cristina Nuñez révolutionne la photo de famille en la dépouillant de ses aspects mielleux, ringards ou pleurnicheurs. Dans sa pratique toutes les images sont assumées de façon crâne. Elle ne craint ni divers états de nudité, ni l’expression du Désespoir et non plus celle de la Furie, ni le crâne rasé qui la pousse, avoue-t-elle, « beyond gender », au-delà du genre même si le féminin l’emporte toujours.

Se préoccupant de sa généalogie, elle scénarise son rapport à son oncle en en dansant façon cabaret autour du portrait multiple de Manolo. Elle réunit ses parents séparés depuis 20 ans en rapprochant le portrait nu qu’elle réalise de chacun d’eux séparément. En comparant des portraits anciens du père et ses propres autoportraits, elle accuse les ressemblances de leurs traits. Son lien reste fort à sa mère malgré sa crise de démence, ce qui suscite un diptyque d’une grande puissance émotionnelle. À l’écoute de la demande de la petite Yassine, qui veut tester en photo l’héritage de sa couleur de peau, elle appréhende la force de son dispositif et décide de le transmettre lors de workshops participatifs, qu’elle intitule depuis 2005 The Self Portrait Experience SPEX.



Dans ces portraits collaboratifs, elle amène toutes sortes de publics à s’auto-représenter, des jeunes femmes voilées et des hommes et femmes de différents âges et couches sociales.

Contrairement à ces images majoritairement générées par l’expression corporelle des affects, le catalogue et l’exposition comportent quelques clichés de nature souvent sans titre dont un texte court explicite les circonstances ; ainsi, le dernier montre les Funérailles paternelles dans un jet de cendres colorées sur une surface d’eau.

Dans une étude finale, Photographier sa propre vulnérabilité Roser Cambray, conservatrice du Département photo du musée national de Catalogne, resitue Cristina Nuñez dans sa lignée d’artistes féminines depuis Frances Benjamin Johnston, une artiste du genre comme Claude Cahun ou les représentantes des recherches du care comme Hannah Wilke ou Jo Spence.