Olivier Debré et l’influence des paysages et lumières de Touraine

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Olivier Debré
Voyages en abstraction
Une exposition à Dinard

La villa les Roches Brunes dominant la falaise de l’extrême pointe de la Malouine à Dinard présente jusqu’au 2 novembre Voyages en abstraction qui réunit plus de 70 œuvres d’Olivier Debré (1920-1999). Elle montre des pièces de moyen et de petit format ainsi que des sculptures de l’artiste lié à la Loire. Pour son second commissariat, Laura Goedert qui avait présenté l’an dernier Elisabeth et Gérard Garouste, L’art à La Source, se consacre cette saison à ce maitre de l’abstraction lyrique dans une approche poétique et intimiste.

Formé aux Beaux-Arts de Paris dès 1938, Olivier Debré juste après la Seconde Guerre mondiale entamera une série figurative de dessins où ses compositions illustreront le thème des otages, voir par exemple « Le mort de Dachau ». La silhouette humaine stylisée donnera aussi lieu à sa série des « Signes-personnages ». Il va ensuite aborder sa longue période d’abstraction, son travail se fait d’abord au couteau avec de larges empâtements. En 1957 il participe au salon Réalités Nouvelles. On a parlé à son sujet d’abstraction fervente.

Sa peinture prend souvent sa source dans la nature et dans le paysage. Il va chercher de nouvelles situations paysagères, lui ouvrant d’autres connexions à des lumières différentes lors de ses voyages au Japon, en Italie, en Norvège notamment.

On sait que l’on a souvent comparé et même opposé le peintre à ses grands concurrents américains. Il a rencontré Rothko à deux occasions, lors de ses expositions aux États-Unis en galerie en 1959 à Washington puis en 1963 à New York. À l’époque, la critique des deux côtés de l’Atlantique prenait souvent parti pour le color field américain contre l’école de Paris. Ainsi pour sa seconde présentation américaine Donald Judd la commente en faisant de Debré un artiste secondaire par rapport à de Staël dont on a souvent noté l’influence : « une peinture assez vivante quoique sans surprise. »

Pour s’en convaincre encore aujourd’hui il n’est que de relire « ce rouge incandescent selon Nicolas de Staël » étudié par Aurélia Cassigneul-Ojeda dans la passionnante collection Le roman d’un chef-d’œuvre, édition Ateliers Henry Dougier. En 4e de couverture elle résume ainsi son engagement : « Assoiffé d’absolu, tendu toujours vers la perfection de son art, il a vécu passionnément, désespérément, allant, venant d’un lieu à l’autre, d’une femme à l’autre pour finir sa vie sur ce rouge chavirant. »

À l’opposé Olivier Debré a reçu et répondu à de nombreuses commandes, rideau de la Comédie française et autres lieux de spectacle internationaux, décor et costumes de la pièce Signes pour la chorégraphie de Carolyn Carlson et autres réalisations institutionnelles concernant des bâtiments officiels. La nécessité intérieure ne se manifeste pas avec la même intensité dramatique.

Rouge rideau, esquisse pour une commande

Il n’en reste pas moins et l’exposition bretonne le prouve, son art a connu sa plus grande intensité au contact des lumières et paysages de la région Centre-Val de Loire. Sa peinture a alors trouvé sa plus grande fluidité, ses tonalités diaprées, ses couleurs pastels irisées, d’où sa reconnaissance par un lieu emblématique comme le Centre Création Contemporain à Tours qui lui a emprunté son nom. Cela s’est fait suite à la réalisation en 1991 des cinq immenses toiles aux dimensions records de quatre mètres par neuf mètres quinze produites pour l’exposition monographique et à la donation qui s’en est suivie en 2008. S’y ajoute une sélection de cent cinquante œuvres graphiques de périodes diverses, représentatives de l’ensemble des recherches du peintre, datées des années 1940 aux années 1990.

La Touraine a été le lieu de ses premiers émois paysagers où résidait son grand-père maternel, peintre impressionniste. Son père le pédiatre Robert Debré y a acquis la propriété les Madères à Vernou-sur-Brenne qu’il récupère à sa mort en 1978 et y installe son atelier dans les caves troglodytes surplombant la Loire. Les pièces de moyen format les plus fortes de cette exposition trouvent toutes leur inspiration que prouve leur titre poétique dans ce lien au fleuve : Loire ocre, Grande blanche Touraine, Rose légère de Loire, Violette foncée et blanche d’orage de Loire…

Loire ocre
Rose légère de Loire
Violette foncée et blanche d’orage de Loire