Fondation du doute Blois 5 octobre – 15 décembre 2024 Toutes les informations sur le site de la Fondation du doute
Gilles Rion, directeur de la fondation du doute, réunit différentes générations d’artistes qui agissent directement dans la ville pour la changer et transformer les usagers en habitants, acteurs et actifs. À partir d’œuvres de trois collections, celles du Frac Centre-Val de Loire, du Centre Pompidou et du centre des livres d’artistes à Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne), il compose une exposition avec une diversité de documents, photographies, vidéos, affiches, relevant d’actions et d’interventions, offrant de nouvelles manières de lire et de vivre la ville.
Anne Houel fut invitée à créer in situ. Sur la vitre de l’espace d’exposition temporaire, elle réalise une Mise au jour et fait resurgir l’histoire de la chocolaterie Poulain. Des éléments architecturaux de la première usine se donnent à voir par l’ajout du blanc de Meudon mêlé à la poudre de cacao.
Notons d’abord que les situationnistes appréhendaient la ville de manière affective. À la suite de leurs dérives, d’autres artistes ont décidé de transformer le quotidien des passants en activant des situations. Nombreux documents d’archives révèlent des pratiques d’artistes qui tentent de rendre la ville habitable. La Cellule parasite inventée par Chanéac était pensée pour que les habitants puissent agrandir leurs appartements et ainsi modifier leur cadre de vie. Les cartes postales de Letaris intriguent par ce qu’elles ont à raconter. D’autres œuvres jouent sur l’anonymat et la discrétion. La thématique de la rencontre est aussi explorée par les artistes, notamment Allan Kaprow. D’autres artistes s’attardent sur le déjà là et observent diverses manières de construire. Ugo La Pietra a porté son attention sur les communautés qu’il a observé dans les jardins urbains de Milan : des créations réalisées à partir d’objets récupérés, mettant en exergue comment l’individu se donne la liberté de faire au sein d’un système contraint. Thomas Hirschorn intervient dans les rues par des constructions qui semblent être à la frontière avec des gestes du quotidien.
Les codes des mouvements sociaux, des manifestations et des affiches (celles de Degottex) se révèlent également dans certaines œuvres. Survival Series, panneau électronique à diodes électro-luminescentes (LED), de Jenny Holzer incarne les codes de la publicité, des slogans et diffuse des messages. Les performances de Francis Alys durant lesquelles il parcourt la ville avec un pot de peinture percé laissaient une longue trace linéaire, Günter Brus, son corps peint en blanc et traversé d’une ligne noire de la tête au pied, vêtu d’un costume s’immisçait dans les rues de Vienne : une performance qui a provoqué son interpellation, signe de l’emprise de l’état sur les habitants autrichiens. Les cartes et les plans, objets de pouvoir font l’objet de détournement comme chez Eugenio Miccini. Le groupe UNTEL s’est réapproprié la manifestation. La performance de Mona Hatoum est d’une grande force et a interrogé les passants dont certains ont réagi à sa présence. Les Guerilla girls montrent une disparité homme femme dans le monde de l’art.
L’œuvre de Catherine Boch, réalisée à partir d’un plan urbanistique évoque des enjeux écologiques et des problématiques liées à la gentrification. À l’aide de la machine à coudre, l’artiste contemporaine crée des greffes qui recomposent une cartographie, telle une manière de soigner les blessures de la ville. Les sculptures textiles de Nefeli Papadimouli, inspirées de typologies architecturales, tels des costumes faits pour être portés sont destinées à inviter les gens à se relier entre eux dans leur quartier. Cette œuvre va être réactivée dans le cadre de l’exposition.
Ainsi, l’ensemble des œuvres pose les questions du vivre ensemble, du droit d’habiter et d’agir. Cette exposition nous amène à regarder la ville par le biais des interventions d’artistes qui perturbent, bouleversent l’organisation, l’ordre établi, incitent à se la réapproprier.