
Lauréate du 2024 du Prix Occitanie – Médicis, l’artiste Anna Meschiari présente, jusqu’au 22 mars 2026 au MRAC Occitanie à Sérignan, Les dormeur.euse.x.s, une exposition composée d’œuvres inédites, résultat de sa résidence effectuée d’octobre 2024 à janvier 2025 à l’Académie de France – Villa Médicis à Rome.
Anna Meschiari investit le rez-de-chaussée du MRAC en en divisant l’espace en trois parties. Dans la première, elle utilise pour la première fois le médium vidéo avec une installation composée de cinq écrans verticaux (Tuf, 2025), des diffusions de captations prises avec son téléphone, éclairée à la lampe torche, où elle nous entraîne dans les souterrains de la nécropole étrusque de Banditaccia à Cerveteri, en Italie. Par le biais d’une image tremblante qui nous fait suivre les pas et le regard de l’artiste, on explore avec elle ces cavités construites sous terre. Le bruit d’un avion au loin ou le dispositif même du smartphone renvoie à notre époque contemporaine, tandis que l’image nous invite à plonger dans des vestiges antiques. La vidéo se colore parfois d’étonnantes nuances de vert, rose, jaune pâles, qui entrent en écho avec les autres œuvres de l’exposition.


L’artiste nous convie avec elle à ses propres explorations. Elle effectue elle-même un travail de recherches, dans les souterrains mais aussi dans les livres et les archives. En Italie, c’est d’abord Marta Lonzi qui guide ses pas et ses découvertes ; architecte italienne membre du groupe féministe Rivolta Femminile dont sa sœur, Carla Lonzi en est une figure de proue, elle travaille notamment le verre pour créer des cloisons délimitant les espaces, comme chez elle où elle sépare l’espace de vie et celui du bureau. Anna Meschiari interprète ce cloisonnement des espaces avec ML (2025), structure en plastique transparent qui redéfinit l’architecture même du lieu, en utilisant notamment les colonnes au centre de la pièce. Entre ces frontières créées, un troisième espace est visible mais inaccessible : un intérieur à portée du regard, qui ramène le public à prendre en considération sa place, sa situation extérieure, de fait.
Derrière cette délimitation, la deuxième partie de l’exposition invite à l’inverse les corps à prendre le temps de s’y poser et reposer, s’y sentir bien comme dans un cocon. Plafond (2025), série de toiles peintes et suspendues effectivement, au plafond et à travers laquelle perce une douce lumière, rejouent l’espace de la tente, de l’architecture primitive qui se définit par la notion première de protéger. La série de peinture Paroi (2025) contribue à englober cet espace et suscite une autre question d’architecture : quelle place pour l’ornementation dans la configuration des espaces ? Comme avec Anna Meschiari, les œuvres sont toujours issues de recherches et d’histoires, ici elle évoque l’architecte Gottfried Semper qui considère l’architecture à l’aune du tissage et l’importance du décor sur les murs, qui fait architecture, au même titre que la structure. L’artiste illustre ce propos en « construisant » ses propres parois, des grandes toiles peintes au sol puis présentées verticalement et dont les motifs, nés de la liquidité de la peinture sur le tissu imitent, presque par hasard, les marbrures de la pierre qu’on peut voir dans les églises romaines. Par ailleurs, Anna Meschiari convoque aussi Plautilla Bricci, première femme architecte reconnue et peintre de style baroque à ses heures perdues.

On retrouve l’utilisation de la peinture sur les trois dormeuses (Dormeurxeuse, 2025), sortes de canapés-lits, objets à la fois de confort et de design, utilisé au 18e siècle dans les salons et boudoirs aristocratiques puis revisités par des designers modernes, comme Eileen Gray avec son Day Bed. Anna Meschiari s’inscrit dans l’histoire de ce meuble dédié à la volupté et au repos, mais joue sur l’ambivalence de l’œuvre d’art avec un tissu peint : faut-il s’y installer ou seulement regarder ?

Anna Meschiari invite le public à s’interroger, se déplacer et à son tour explorer, comme elle le fait elle-même à travers ses mises en dialogue de différentes strates d’époques, mêlant les histoires pour créer son propre imaginaire, qui se déploie ici en une exposition immersive.