Parution du zine de Dolorès Marat « À droite… Et à gauche » aux éditions Dumas-Salchli

À Droite et à Gauche
Éditions Dumas-Salchli
Dolorès Marat
32 euros 
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Hérité des fanzines Home-made chers aux contre-cultures artistiques telles, par exemple, que le Punk dans les années 1970, le zine photographique tel que le propose Corinne Dumas depuis un an est un moyen économique et alternatif, désacralisant et ludique permettant de transmettre de manière originale un message artistique. C’est un bon support alternatif pour faire connaître une œuvre. Un objet de collection particulièrement prisé… car chaque exemplaire du zine contient, quel que soit son coût, un tirage original.

Figure discrète et talentueuse de la photographie contemporaine française, Dolorès Marat, qui a entamé un processus de donation de son œuvre à la Médiathèque du patrimoine et de la photographie (ministère de la Culture, France) en 2019, a commencé sa carrière professionnelle comme tireuse avant d’oser devenir photographe.

Elle vient en effet d’un milieu modeste et « a attendu que ses enfants soient grands pour s’acheter son premier appareil photo » souligne Éric Reinhardt. Très logiquement, celle qui continue à travailler avec un appareil compact en argentique et en diapositive accorde une importance toute particulière à ses tirages en couleur restitués pendant longtemps selon le procédé charbon Fresson, désormais réalisés depuis quinze ans sur un papier japonais fait main par Sunghee Lee, au velouté et à la profondeur des noirs exceptionnels…

On se souvient de son premier livre Rives publié en 1995 chez Marval, depuis longtemps épuisé, jalonné de clichés envoûtants et oniriques, remarquablement imprimé. Plus récemment la photographe a notamment publié Lune rouge et autres animaux familiers (Fario éditions, 2024), qui est dans la même lignée et dont le parti pris d’impression évoque aussi les tirages couleur mats à la Fresson.

Son œuvre a été couronnée l’an dernier, tout comme celle de Bernard Plossu, autre photographe du flou sensible, par un mythique Photo Poche.

Le texte de l’écrivain Éric Reinhardt commence par ces lignes à la fin du zine : « incandescence se sauver de la peur et du désastre à droite et à gauche l’angoisse la grande difficulté de vivre l’art comme salut c’est cette nécessité la déréliction comme condition de l’épiphanie et l’épiphanie comme condition de délivrance. »

Les images de Dolorès Marat évoquent un sentiment de tremblement rétinien : Dolorès Marat photographie souvent la nuit, à l’instinct, comment en atteste un documentaire qui lui est consacrée. Son univers visuel poétique, où l’animalité occupe une place centrale depuis le début de sa carrière, est particulièrement fantomatique. Pas de systématisme, aucune certitude, juste des images arrachées au néant qui menace la vie, des instantanés dans les interstices de nos peurs les plus secrètes, et la satisfaction ô combien rassurante de l’image obtenue, qui résiste à toute tentative d’interprétation trop rationnelle. Demeure l’image insaisissable mais pérenne. Consolatrice et mystérieuse.

C’est le cinquième zine (les précédents étaient consacrés à Jessica Backhaus, Bernard Plossu, Antoirne d’Agata — que j’ai chroniqué pour lacritique.org, et Renée Jacobs) de la collection lancée par Corinne Dumas en mai 2024. Chaque exemplaire est contenu dans une enveloppe en papier cristal et contient un tirage.

Les zines sont disponibles à la vente sur le site internet de la maison d’édition et en libraire à Actes Sud, Arles ainsi qu’à La Nouvelle Chambre Claire, Paris et Mi Camera, Milan. Différentes versions à des prix très divers, contenant des tirages originaux tirés sur différents papiers, signés ou pas, sont disponibles. Le prix de base public est de 32 euros (le zine contient alors un tirage Picto non signé, couverture en sérigraphie, cousue main), le tirage est comme d’habitude de 250 exemplaires numérotés mais la version la plus luxueuse (elle contient un tirage Picto signé, le tout dans une enveloppe cartonnée rigide à fermeture japonaise) coûte 380 euros…