Photo Against the Machine. L’IA testée au fil de la collection de la MEP. Un livre d’Ann Massal

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Photo Against the Machine

Ann Massal

JBE Books / MEP 2024
ISBN 978-2-36568-090-5
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En tant que critique le principe de ce livre dialogue avec l’IA a tout de suite suscité ma méfiance. Que son auteure Ann Massal se qualifie de penseuse, ne m’a pas rassuré, catégorie bien vague. Pourtant à le feuilleter j’y ai vu un intérêt certain dans l’actualité du support controversé et de ses possibilités. Place à une analyse critique sans machine. 

Ce livre fait suite à une résidence à la Maison européenne de la photographie. La photographe formée à la St Martin’s School of Art aux côtés de J.H Engström a choisi 25 œuvres de la collection. La diversité et la pertinence de cette sélection sont bien cernées par ce choix. Pour chacun des artistes elle a opéré un choix personnel qui ne repose pas sur les photos les plus connues de l’artiste.

Chaque reproduction est introduite par un court texte où elle définit de façon critique son rapport à la démarche et à l’artiste. Les questions à l’IA sont globalement précises, certaines plus longues et plus détaillées que d’autres plus fantaisistes, toutes exprimées avec une exigence critique censée permettre à la machine d’être plus pertinente. 

Plusieurs questions en recherche de réponses sous forme de recettes sont très anecdotiques. Cela prend la forme d’un gag pour améliorer le physique de Nettie Harris, la vieille dame de 80 ans posant nue pour jouer au golf dans son salon < ; le passage à d’autres sphères de l’action restent superficielles et n’apportent rien à une approche de la création, comme ces cocktails italiens aux couleurs du tirage de Franco Fontana. La réponse de la machine est plus poétique quand elle crée un calligramme en forme de lune pour Sarah Moon. Elle prend un caractère sociologique en mettant en graphique la vie de Michel Journiac ou en rappelant l’opposition entre Réalités et Fantasmes dans son approche du féminin. 

La grande richesse culturelle de l’IA se révèle pour accompagner le portrait de la jeune femme albinos de Pieter Hugo. Elle cite 4 photographes peu connus ayant pris de tels modèles en Afrique du Sud ou au Burkina Faso. 

La plus grande faille de la machine se révèle à propos de l’œuvre Musica Celestial d’Esther Ferrer qui montre la superposition d’une partition musicale et d’une toison pubienne féminine. Ann Massal développe toute sa persuasion pour orienter la réponse sur le sexuel. Elle rappelle notamment le titre du Livre du sexe dont est extrait ce collage. Elle demande l’interface de Sigmund Freud pour dialoguer avec la plasticienne. Ce qui n’empêche cette déclaration consternante : « L’image centrale rappelle une touffe de cheveux ou peut être un arbre ». Censure pudibonderie ou défaut grave d’interprétation qui semble nier la sexualité féminine. 

Pour terminer sur une note plus positive, dans le long dialogue autour de Boris Mikhailov, Anne Massal pose une question essentielle : « Penses-tu que l’on puisse considérer que tu as une perspective occidentale du monde ? » La réponse de la machine nous apparait d’une grande prudence : « Je cherche à fournir des informations équilibrées et complètes mais il est toujours utile de prendre en compte les origines et les préjugés potentiels de toute source d’information, y compris les IA comme moi ! »