Danser avec les fous, trente ans d’atelier chorégraphique à l’hôpital psychiatrique de la Verrière

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Danser avec les fous 
Madeleine Abassade
Éditions Langage Pluriel 
23 euros 
ISBN 9 782 487 279 018

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Les éditions Langage Pluriel publient dans leur collection Humain&Compagnie « Danser avec les Fous. Expérience de l’art en milieu psychiatrique à l’Institut Marcel Rivière (1981-2015) ». Une telle initiative de Madeleine Abassade apparaît pionnière, commencée à l’époque où l’art-thérapie n’était pas encore institutionnalisée et où le care en art n’était pas encore à la mode. Chargée de la culture à l’Institut de la Verrière géré par la MGEN pour les personnels enseignants, elle prend prétexte d’un théâtre dans l’établissement pour lancer des invitations à des artistes du spectacle vivant. Il s’agissait pour elle, Jean Garrabé et les infirmières qui ont accompagné leur action de garder tout ouvertes les portes de l’hôpital sur la cité. 

Madeleine Abassade revendique l’influence de François Tosquelles ayant illustré sa conception de la psychothérapie à Saint Alban, puis à la Borde. Elle narre d’abord ses difficultés à faire reconnaître son action par les institutions. La reconnaissance officielle du Ministère sera marquée par la visite de Catherione Tasca à l’Institut en 2002 pour les Journées nationales de la Culture à l’hôpital. 

 Elle rappelle la première invitation faite à un canteur de flamenco Pepe de Cordoba et ses danseuses. Puis, dès 1983 c’est le cirque Zingaro avec Bartabas, Brigitte et leurs chevaux qui viennent y jouer et animer des actions avec soignés et soignants. 

Sa propre formation chorégraphique sera aussi enrichie après les danses du Maghreb lors d’un séjour de 18 mois en Martinique où elle aborde les danses traditionnelles transmises par les esclaves, mais, pour les pratiques contemporaines, elle suit les cours de Françoise et Dominique Dupuy alors parisiens, avant leur installation en Provence. Chez eux elle rencontre José Montalvo. De 1986 à 1993, il monte des ateliers chorégraphiques fondés sur de petites formes. Ils retrouvent ainsi les préceptes de la Judson Church d’Anna Halprin. Avant d’autres compagnies, comme Montalvo Hervieux ou Black Blanc Beur le lieu s’ouvre à d’autres pratiques en accueillant les poètes et performeurs de Polyphonix. 

Une importante partie de cette recherche sera menée par le chorégraphe Christophe Zaorsk et le plasticien Olivier Perrot. Lui qui a été sensibilisé par ses parents éducateurs opère à la fois avec une caméra témoin et propose ses expérimentations en photogrammes. Ensemble ils diversifient aussi les lieux accueillant les scénographies fragiles, lieux de passage, couloir des chambres des patients ou théâtre ; là ils « dansent avec celles et ceux dont les corps sont marqués par des prises chroniques de neuroleptiques ou scénographient leur isolement dans « Qu’est-ce que tu fabriques quand tu es seul.e ? » Les doubles pages mêlant noir et blanc et couleurs accompagnent ces ateliers de création dynamisant les corps des performeurs et danseurs, soignants et soignés, sans distinction, avec des photogrammes plus abstraits. Avec les patients ils revendiquent d’avoir ainsi « réveillé le passé enfoui de l’humanité qui est en eux ». 

En conclusion de son long récit, Madeleine Abassade conclut « la mise en question de l’en dedans de l’institution par la venue de l’en dehors de divers artistes ouvre sur un ailleurs non défini ! ». Suivent différents témoignages de participants. Christine Coudun, pour la première troupe de hip-hop française Black Blanc Beur revient sur la genèse du solo d’Iffra Dia « Un pas dans la tête » réalisé avec la collaboration du service des adolescents non autorisés à sortir. L’évènement déclencheur contre lequel réagir a été juste avant l’atelier le suicide d’une jeune internée : « l’art c’est l’endroit où l’humain va pouvoir exprimer sa souffrance et produire une catharsis ».

Un autre photographe, Jean Christophe Boudot du Bar Floréal, ouvre son chapitre sur une dizaine de clichés couleurs réalisés pendant un an avec les avec patients et infirmiers du pavillon A2, extraits de l’installation visuelle et sonore réalisée avec Sylvie Gasteau. 
Dans cette volonté de mêler les différents acteurs de cette aventure, les témoignages courts de quelques infirmières rendent compte de leur changement de statut et d’affectation pour ce « théâtre gestuel qui utilise le corps pour raconter une histoire ».

La conclusion pourrait revenir à Fabrice Levy-Hadida, plasticien et scénographe définissant l’Institut Marcel Rivière comme celui où « des artistes utilisant le fil fragile de leur créativité pour tirer sur les fils de l’humanité et construire ensemble ». Mais on peut revenir aussi sur les pages noir et blanc d’Olivier Perrot qui structurent le récit de Madeleien Abassade en y intégrant différentes expériences du sensible qui en restant anonymes contribuent à l’atmosphère collective de cette aventure singulière.