Manon Gignoux
Femmes assises comme des montagnes
Château de Ratilly
Treigny-Perreuse-Sainte-Colombe
Jusqu'au 3 novembre 2025
Suite à sa résidence au château de Ratilly, Manon Gignoux y installe ses œuvres dans un dialogue subtil avec les teintes de l’architecture. L’artiste s’est imprégnée de ce qu’elle a ressenti en allant travailler à plusieurs reprises tout au long d’une année et selon le rythme des saisons.
Dans une première salle, un dessin peinture mural, réalisé à quatre mains avec Jérémie Legroux, exprime un élan, des traces de perception de vie végétale. Dans la tour voûtée, l’expression des plantes se donne aussi à voir sur les murs… Celles-ci invitent à une promenade du regard, comme si on pouvait revivre l’expérience d’un déplacement et d’une attention à une biodiversité présente aux alentours du château. Les œuvres, coussins peints, toile suspendue, mise en mouvement, céramiques ont pris place… Nous sommes invités à nous poser un moment, à méditer, à songer aux liens que nous pouvons éprouver avec les plantes.
Plus loin, nous découvrons ses robes peintes sur papier, qui traduisent nos relations avec nos vêtements, porteurs des souvenirs… Le vide de ses dessins traduit une potentielle circulation d’énergie, un déplacement de son propre corps. L’artiste se laisse traverser par ses intuitions, par ce que ses gestes laissent comme traces sur le papier. Sa manière de peindre et de dessiner est comparable à une expérience de marche ou d’arpentage. On peut y lire l’expression de la chute et de la relève : des étapes successives pour reprendre son élan et se réancrer au sol, qu’elle a notamment inscrites en elle depuis ses expériences de mouvements dansés. Ses dessins peintures incarnent un équilibre, une tension entre précision et imprécision, des contrastes entre vide et plein, esquisse dessinée et densité de couleurs. Sa série de travaux sur papier Dessins fleurs milieux, exprime ainsi une certaine énergie, un laisser faire. Face aux bouquets d’anémones, entre vie et début de fanaison, qu’elle installe dans son atelier, elle expérimente, par des gestes élancés, une manière de restituer leur allure. Ici, sa série de dessin peinture nous invite à suivre le déploiement de ces plantes d’un dessin à un autre.
Les céramiques de Manon Gignoux traduisent son attention aux légumes, à leur changement d’état… Les blettes l’ont d’ailleurs fascinée par leur tenue, entre une forme érigée et en train de flétrir. Ses sculptures laissent supposer les transformations, le passage du temps sur la matière. Certaines sont disposées dans les salles comme si elles avaient toujours été présentes en ce lieu chargé d’histoires. Ses aquarelles de légumes sur contreformes textiles (chutes de patron de vêtements) dialoguent avec ses œuvres sculptées que nous suivons du regard. À travers ses gestes, l’artiste convoque des formes en transformation, des états transitoires. Ses vêtements peints présentent des flux de couleurs, témoins de mouvements. La pratique artistique de Manon Gignoux émane de sa conscience d’accueillir toutes sortes de sensations dans son corps, de se mettre en mouvement et d’insuffler la vie au sein de ses travaux.
Dans le grenier, elle a pris soin de disposer des vêtements-rebuts, abandonnés sur la chaussée, collectés au fil des années, en tas, d’autres noués et accrochés à la charpente, telle l’expression de la mémoire de celles et ceux qui les ont portés. Des tissus peints par absorption, mis en volume, en équilibre sur des supports en bois et rétroéclairés semblent m’accueillir, telles des présences, gardiennent du lieu. Plus loin, le film La chute est une élévation vers le bas #1 montre des vêtements qui volent : l’expression à la fois d’un certain poids qui s’élève pour retomber, comme si des corps y étaient encore présents.
Dans les travaux de Manon Gignoux, tout est en mouvement, à l’image de sa pratique artistique pluridisciplinaire, au croisement des arts visuels et de la danse. De salle en salle, les œuvres sur papier, sur tissu et les céramiques, se répondent. Vêtements, légumes, fleurs, y circulent tels des témoins d’un cycle de transformation.
Ainsi, cette exposition invite à la déambulation, à une promenade visuelle, à aiguiser sa curiosité, en prenant le temps de s’attarder sur chaque élément architectural de ce château.
Pauline Lisowski









Vues de l’exposition, crédit photo : Jérémie Gignoux