La terre nous porte et nous portons la terre, un itinéraire photographique de Christelle Westphal

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« Inspirée d’un reportage d’une tradition au sein d’un village de l’Inde, hommage à la fertilité de la terre, l’artiste crée un Itinéraire en Portraits de Végétaux Comestibles, projet photographique au long cours. Au gré des rencontres ou d’évènements organisés, le public volontaire pose devant l’objectif avec une coiffe de feutre et de terre microbiologique. S’y épanouissent, se sculptent, avec le temps, l’eau, la lumière, des plantes comestibles, sauvages ou non, comme des choux, salades romaines, plantain, trèfles, sauge, menthe, etc…

Peu à peu, les photographies de portraits végétaux composent des variations cosmogoniques, des forêts, des jardins, des cellules…

Ici, la nouvelle série avec Pauline Lisowski s’inscrit dans le projet de Portraits Végétaux socio-écologiques réalisé dans le lieu de vie, de travail.  Les gestes spontanés du vivant végétal avec ceux du vivant humain, dans l’espace personnel, s’interrogent : « La Terre nous porte nous portons la terre ? »

Dans le protocole des prises de vues du projet, le modèle reçoit un tirage immédiat de son portrait. 

Le tirage reçu est le miroir d’une présence humaine reliée à celle du végétal tout autant qu’à son inverse. Empreinte d’une expérience vécue ou pollen de l’esprit du vivant végétal, il invite l’humain qui le possède, par son regard-mémoire, à créer un instant d’art, secret, hors temps ».

Christelle Westphal

Au démarrage de notre collaboration, je me suis prêtée au jeu de ce projet et livre ma perception sensible de celui-ci.

Au jardin, premières rencontres avec les coiffes de Christelle Westphal, l’une avec du lierre m’attire particulièrement… Plante grimpante, retombante qui prend corps avec d’autres végétaux dans des milieux naturels ou domestiqués ou sur les murs de nos maisons. Puis vient le choix du lieu de la prise de vue pour le portrait. Elle me fait m’asseoir à proximité des marguerites, tant appréciées, face auxquelles je songe à ma mère qui les aime tant. Coiffée de ce jardin miniature, constitué de terreau et de terre prélevée, je fais corps avec les racines des plantes qui me rattachent au sol, à mon propre jardin, à la vie sous terre, au vivant végétal qui cherche la lumière.

Par un geste délicat, je me relie avec le lierre, tel un corps que j’enlace : une douce relation, une forme d’étreinte qui me stabilise, m’ancre, me permet de me retrouver en harmonie avec moi-même. Ce contact quasi charnel provoque en moi la sensation de me sentir légère, transportée comme une graine qui pourrait s’envoler, germer, pousser, puis se faire butiner par les insectes dont la présence m’émerveille.

Une certaine joie, la voix de l’enfant intérieur que je garde en moi me rappelle les plaisirs insouciants, doux, dans les jardins de la lignée de femmes avec lesquelles j’ai grandi. En portant la terre où ces plantes se sont enracinées, je transporte également les jardins qui m’ont vu grandir et m’ont permis de créer ce lieu qui m’inspire. Dans cet atelier jardin, mon refuge, les clématites, les passiflores et autres variétés de plantes grimpantes se développent parmi d’autres et s’enroulent aux structures métalliques de formes organiques, créées sur mesure par un ami jardinier paysagiste.

Pauline Lisowski