L’art contemporain de Georges Perec.
L’œuvre de Perec ou la pensée complexe… Saisissant l’occasion du trentième anniversaire de la publication de La Vie mode d’emploi, pour proposer « Regarde de tous tes yeux, regarde », soit une lecture de l’art contemporain de ces quarante dernières années à travers le filtre perecquien, le projet de cette exposition se heurte, néanmoins, à la difficulté de concevoir une taxinomie fidèle à l’œuvre de cet écrivain de l’après-guerre. Faut-il encore le rappeler ? Georges Perec est un homme dont tout le programme (énoncé dans Partisans en 1962-1963, avant Les Choses donc, et consacré à une critique de « gauche » du Nouveau Roman adossée au livre lazaréen de Robert Antelme L’Espèce humaine) est né d’une expérience traumatique du sujet et de l’exploration des formes ayant placé l’Histoire (sa « grande Hache »…) et Auswitsch, au premier plan. Mais Perec est aussi le prototype rarissime, en son temps, de l’écrivain qui a rejeté le préjugé cyniquement cultivé d’une doxa prétendant à l’impossibilité d’écrire après la Shoah. C’est en cela que Perec est un homme de style, quoiqu’en ait pu dire Roland Barthes. Mais revenons à cette œuvre fondatrice : La Vie mode d’emploi. Elle est au carrefour de nombreuses influences. Celles-ci forment un puzzle, conçu à la fois comme métaphore et comme structure de l’ouvrage, permettant l’emboîtement des parties les unes dans les autres, à l’image des différentes existences qui peuplent les appartements de l’immeuble du 11 de la rue Simon-Crubellier.
La structure du récit incite le lecteur à devenir, à l’instar d’un sociologue, « un déchiffreur de signes » ou à s’engager dans une contemplation passive d’un « moi » autobiographique. Tout dépend alors du parcours entamé. Mais le danger existe de se réfugier dans ce que Hegel appelait « le royaume serein des apparences amicales », un royaume dont chaque case est remplie dès lors qu’elle a été préalablement dessinée. C’est précisément dans ce piège que les auteurs de cette exposition sont tombés. Significative est la classification retenue : le quotidien, la règle du jeu, l’autobiographie, le romanesque. Chaque thème est soigneusement étiqueté par des marquages au sol et illustré par des œuvres empruntées à des artistes de renom sans que l’on sache comment le passage se justifie de l’un à l’autre. Une grande confusion en résulte : le visiteur ne sait s’il est passé d’un « tout est politique » à un plus consensuel « tout est culturel » ou, au final - et passablement énervé - à un « tout se vaut » où Christian Boltanski se trouve confronté à Boulatov, Bernard Rancillac, Gerhrad Richter, Sol LeWitt ou Cindy Sherman…. Est-ce là une nouvelle règle du jeu ? Ou la grande illusion d’une possible communion entre chacun de ces artistes et l’œuvre même de Perec dans un agencement aussi malheureux qu’improbable ? Déception.
L’exposition a lieu au Musée des Beaux-Arts de Nantes (10, rue Georges Clémenceau – 44000 Nantes) du 27 juin au 12 octobre 2008, de 10 h à 18 h, tous les jours sauf le mardi.
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