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Marie Rauzy mène un travail sériel, plusieurs séries pouvant se chevaucher dans le temps de leur édification. Chacune possède un titre aux dimensions poétiques certaines, l‘ensemble en même temps qu‘une véritable énergie manifeste une grande liberté stylistique.
Si elle est l‘arrière-petite-fille de Paul Cézanne elle accorde autant d‘intérêt pour les oeuvres de peintres aussi divers que Bonnard, Rothko, Richter ou Caravage.
La couverture de sa monographie , une toile de l‘ensemble Oisellements autant que le titre La vie à tire d ailes démontre sa volonté d‘assumer sa liberté de femme et d‘artiste , ce que résume avec humour ce titre de série Je ne me sens jamais seule avec tous ces gens sur terre. D‘autres animaux font l‘objet de séries , les chiens qui « s‘ils voulaient être libres mordraient la main qui tient la laisse » et les chevaux plus indépendants. Leur apport métaphorique permet une abstraction du sujet dans un partage des ressentis, sans les affecter à une identité.
Mais l humain est le plus souvent au centre de cette peinture. Les hommes y sont peu présents, excepté dans une série sur Louis XIV, encore cette figure historique fait elle plus référence au pouvoir qu à la masculinité ; ce que rappelle le titre Son pied écrase le monde avec grâce. Elle revendique son choix de représenter essentiellement des femmes pour exprimer une communauté d émotions. Elle affirme « je peins beaucoup de femmes, je me mets dedans au niveau sensuel, charnel. Je m y projette. »
Elle utilise parfois pour ce faire la reprise de figures peintes du XVIIIème siècle, Frivolité à la française qu‘elle trouve touchantes pour leur grâce, leur légèreté aux vertus chorégraphiques. Mais certaines de ces figures corporelles se voient bouleversées par des formes purement matiéristes qui font disparaitre le visage pour ne laisser que la présence questionnante d‘un corps lascif (voir série Fulgurance ). Là se manifeste une réelle tension entre le monde et elles.
Beaucoup de ses toiles sont construites dans une double logique . Elle l‘affirme dans sa série J’aime toujours deux choses. On y voit l‘opposition ente figuration et abstraction, une complémentarité entre humain et animal et la tension entre représentation nette et au moins deux types de flous. Elle peint peu d‘après des modèles réels. Si elle prend des photos elle même, elle se constitue une banque d‘images récoltées sur internet. Face à un motif repris net elle peut utiliser un flou de mouvement . Elle préfère le paradoxe d‘un Flou d’immobilité une forme dérivée de l‘esthétique photographique qui fait disparaitre l‘identité d‘un personnage au profit d‘une présence évanescente. Pour elle cela peut marquer la permanence d‘une oeuvre d‘art partiellement reproduite face à la vanité de la vie humaine.
Dans la multiplication des formes peintes, dans exaltation des couleurs, dans la diversité des sources figuratives, comme dans ses rappels constants de vanités Marie Rauzy produit une oeuvre d‘un baroque sensuel tout à fait contemporain.
La vie à tire-d’aile Area Paris ISBN 9 782 352 761600 30 euros
La vie à tire-d’aile Une exposition au Château de Villandry
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