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Le promontoire du songe ou notre relation intime à l’oeuvre d’art

Une exposition du FRAC Auvergne

Le Promontoire du Sone, affiche
Le Promontoire du Sone, affiche
La nouvelle exposition du FRAC Auvergne appuie sa thématique sur un texte de Victor Hugo « Le promontoire du songe » qui nous renseigne sur son rapport à l’art. Les oeuvres réunies à Clermont Ferrand par Jean-Charles Vergne, directeur de l’Institution, qu’elles relèvent de la peinture, de la photographie ou de la vidéo supposent une approche attentive de leurs exigences sensorielles et plastiques.

Voir en ligne : https://www.frac-auvergne.fr/exposi...

Dans le texte écrit en 1863 Victor Hugo évoque l’expérience menée à l’aide d’un télescope pour l’observation de la surface de la lune, notamment d’un de ses reliefs le volcan appelé le Promontoire du songe. Il établit une analogie entre la révélation du paysage lunaire et notre approche sensible des œuvres d’art. La quarantaine d’œuvres de la collection du FRAC Auvergne mettent en lumière ces différents types d’expériences de regard qu’elles nécessitent. En tant que regardeur nous pouvons nous contenter d’une simple approche factuelle ou descriptive, quand d’autres oeuvres convoquent pour leur appréhension la mémoire ou une lecture plus poétique.

Dans le prolongement direct de la pensée d’Hugo il est logique de trouver des images scientifiques avec les clichés attendus de la NASA. Une image comme Bird’s eye view of Pathfinder landing sit a ce caractère introspectif et documentaire mais garde une puissance visuelle et imaginaire qui justifie sa présence dans la collection du FRAC. Il est heureux aussi de retrouver i une des plasticiennes les plus investies dans ces liens à la science Marina Gadonneix, récompensée cette année par le prix Nièpce. On la retrouve avec une de ses oeuvres plus anciennes de la série Northern Lights . Bien qu’elles représentent des phénomènes physiques notre lecture de ces oeuvres peut en apparaître d’abord abstraite. C’est aussi la problématique de création de Mustapha Azeroual. Son oeuvre Radiance #8 archive la lumière dans le Finistère face à la mer. Avec sa chambre photographique il capture le même point de vue à différentes heures du jour dont il superpose les différentes occurrences sur un même support lenticulaire.

La même esthétique sous tend la pratique de Dove Allouche. Ses images de la série Granulation sont réalisées avec le procédé primitif du physautotype expérimenté avant l’invention du daguerréotype. Cela matérialise sa conception du temps et de l’expérience de l’invisible. Un dialogue intense s’établit entre deux oeuvres qui se fondent sur une relecture des matériaux du bâti et de l’architecture. Trois photographies du suisse Lukas Hoffmann structurent les espaces construits pour les rendre plus abstraits, plus difficiles à appréhender dans un regard immédiat. En petit format et respectant la technique photographique elles relèvent le challenge du très grand format d’Anthony Plasse réalisé dans un mixed media mêlant gélatine photosensible, mine de plomb et colle sur toile. Eva Nielsen utilise aussi des techniques mixtes pour Les anneaux de Polhodie : acrylique, encre et sérigraphie sur toile.Ces anneaux sont des portions de canalisation, photographiées sur un chantier. Elle les intègre dans le paysage produisant une forte opposition plastique.

Deux autres photographes parient sur le rapport aux autres sens. Jean Luc Mylaine produit depuis 35 ans dans toutes sortes de conditions météorologiques et géographiques des photos d’oiseaux. Francis Morandini parodie les codes de la photo de famille en y insistant sur le rôle des sens, ce que matérialise un tirage comme Toucher . Les deux utilisent de très grands formats en contradiction avec les habitudes de ce type d’image. Aussi sensibles que subtiles les aquarelles de la série Iris de Patrick Neu sont au contraire produites dans une échelle 1 sur 1 par rapport à la réalité.

Deux travaux qui sont l’oeuvre de femmes artistes répondent le mieux au programme énoncé par Victor Hugo parce qu’elles supposent un vrai travail d’approche progressif. Léa Bellooussovitch suit un protocole de production complexe qui interroge le rôle et la diffusion des images documentaires dans notre société. Elle sélectionne des images d’évènements tragiques récents. Elle produit ensuite des dessin aux crayons de couleur sur feutre. Son oeuvre de grand format Istanbul, Turquie, 1er janvier 2017 évoque le massacre qui fit trente-neuf morts et soixante-cinq blessés, dans une discothèque, action d’un fanatique islamiste. L’interprétation floue du document, le changement de support photo dessin entrent en contradiction avec la légende pour nous interroger sur la transmission des faits.

La vidéo Below the Deep South de Noémie Goudal s’appuie sur un fait scientifique , l’existence à l’époque du Crétacé de forêts dans l’Antarctique ayant subi de multiples incendies. Déjà présentée à Arles l’été dernier dans un format plus important elle trouve ici dans une salle close la toute puissance de son propos. Pour matérialiser cette activité l’artiste utilise diverses photos de jungle qui sont attaquées par les flammes. Cette succession de plans matérialise un palimpseste développé dans le temps de la vidéo (11mn34s). Le dernier plan révèle la supercherie finale avec l’apparition d’un fond de hangar où étaient suspendues les 9 grands tirages de forêt exotique. Dans sa simplicité de construction elle ne peut que nous sensibiliser à ces différentes catastrophes qui sévissent dans le monde entier.

PS Toutes les oeuvres de l’exposition appartenant à la collection on les retrouve abondamment commentées sur l’excellent site du FRAC

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++INFO++
Le Promontoire du songe Jusqu’au 15 JANVIER 2023
 FRAC Auvergne
6 rue du Terrail Clermont-Ferrand Catalogue Le Promontoire du songe Textes de Jean-Charles Vergne Édition FRAC Auvergne
Prix : 19 €

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