Pousuites et ricochets , quand les collections intimes font l’histoire

Pour renforcer l’aspect unifié de la collection les deux livres occupent leur couverture avec une image recadrée se focalisant sur un détail corporel, qui concerne un homme. A l’intérieur la majorité des reproductions occupent la page de gauche , tandis que les textes courent sur la bonne page.

Marie-Hélène Lafon nouvelliste et romancière prix Renaudot 2020, pour son roman Histoire du fils se consacre ici à un portrait de son père à travers une série de clichés pris durant son service militaire au Maroc. Ces documents intimes elle les a récupérées après sa mort . Ils datent tous de 1957 à 1959 , période où se poursuivait la guerre d’Algérie où tant d’autres appelés ont été partie prenante. De ce fait les obligations militaires dans cet autre pays du Maghreb prennent une autre coloration beaucoup moins dramatique que confirme le titre de l’ouvrage Une autre vie . L’image de couverture où le père tient un transistor est révélatrice de cette atmosphère décontractée. Du fait de la météo plusieurs images le montrent nu , y compris attablé avec deux jeunes femmes dans une pièce étroite. Un autre cliché le révèle même affublé dune robe avec une casquette et une poêle à frire en main.

L‘auteure s‘attache à la découverte de la personnalité inconnue de son père dans ces circonstances différentes , loin de son Cantal natal. Les titres de chapitre concernent des objets de la vie quotidienne et de nombreuses remarques atmosphériques qui décrivent le décor des images et les relations que le militaire conserve avec la France.

Grâce à une collecte encouragée au niveau familial par sa mère et son parrain Guillaume Geneste propose un corpus beaucoup plus riche et varié qui part du daguerréotype pour aller jusqu’à la capture d’écran d’une google view, d’où le titre du livre Tout autour de la photographie. « Tout autour de la photographie , il y a le silence, ce vide abyssal devant lequel nous nous trouvons face au regard de celles et ceux qui ne nous laissent pour mémoire que leurs seuls visages. » Un autre silence est celui du père sur sa participation « à la simple opération de police « en Algérie . Il y a aussi dans ces photos vernaculaires toutes les absences comme celle douloureuse de sa mère ayant coupé son visage déformé par une paralysie bien qu’elle portait l’auteur tout bébé dans ses bras.

Si les portraits individuels et de petites cellules familiales sont nombreux on trouve aussi dans le livre des photos d’événements comme des mariages. Les légendes sont très précises sur les rôles de chacun dans la hiérarchie familiale. Quant aux techniques on y relève un ambrotype ce « daguerréotype du pauvre », des virages sépia et des versions papier avec leurs marges crantées et des tirages carrés réalisés au moyen format.

Si les deux livres relèvent du courant des mythologies personnelles, dans cette approche littéraire ils témoignent d’un état de la photographie amateur dont Guillaume Geneste tire les leçons théoriques, à partir des formes et des supports de ces images et de leur évolution.