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Contre les dislocations la réparation, aux bon soins de Mohamed Bourouissa

La programmation actuelle du Palais de Tokyo

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L‘actuelle saison du Palais de Tokyo se révèle d‘une grande unité thématique avec trois expositions collectives « Past Disquiet », « Toucher l‘insensé » « Dislocations » et « Signal » une monographie de Mohamed Bourouissa. Cette cohérence est résumée par l’éditorial de Guillaume Desanges « En art et contre tout » pour défendre des « voix alternatives à travers le chaos ». Il y est question de « fonction sociale et politique, de guerre et d‘exil, de santé mentale, d‘empathie et de solidarité ». Une programmation enthousiasmante.

Voir en ligne : https://palaisdetokyo.com/

Si un autre terme se dégage de l‘ensemble , celui de réparation, cela fait l‘objet de l‘exposition commissariée par François Piron avec l‘assistance de Romane Tavel Toucher l‘insensé . Centrée sur « la psychothérapie institutionnelle » elle illustre ce concept de façon documentaire avec les vidéos de François Pain donnant à entendre et à examiner les théories de Jean Oury et de Félix Guattari. L‘institution santé mentale y est mise à la question par leurs pratiques alternatives et différenciées. Une oeuvre a particulièrement retenu mon attention, l’installation de Sophiane Byari à propos de l’hôpital de Berrechid . Il bricole une maquette qui scénarise des diapositives en de petits personnages drolatiques s’organisant en Plan, énergie, amour et histoire .

Pour cette exposition rétrospective Mohamed Bourouissa a multiplié et diversifié avec une grande réussite ses pratiques et il met en scène de nombreuses séries qui ont fait sa renommée : photo, vidéo , sculpture. Il expérimente également des aquarelles dont la fluidité prend une force liée à l’inconscient. Mais il explore aussi le jardin dans une installation flamboyante de branches de mimosa et de la transcription de leur fréquence sonore. L’impulsion qui l’a conduit à imaginer ce jardin fait suite à la rencontre de Bouriem Mohamed à l’hôpital psychiatrique Frantz-Fanon de Blida, ville natale de l’artiste. Pendant ses 40 ans d’internement ce patient s’est soigné en cultivant son propre jardin. Le lien ente les deux expositions est assuré.

Cette pièce qui se développe dans l‘espace du Palais de Tokyo tout en accueillant d‘autres sculptures et vidéo résume les grandes orientations qui sous-tendent les créations de l‘artiste : enfermement des corps et des pensées, représentation des identités, détermination et contrôle des langages, soin par les plantes, la musique et la couleur, économies parallèles, aliénation et résistance…

Pour honorer cette invitation il convie des artistes dont il se sent proche comme Christelle Oyiri qui expose un paravent biface d ‘une grande puissance , intitulé The Twilight of the Idols il assemble des portraits de chanteurs Il présente aussi le Musée imaginaire, le SAHAB Museum, de son collectif HAWAF réunissant 7 artistes palestiniens avec qui il a collaboré à Gaza, qu’il considère comme « une sorte de fantôme de musée réel ». En plus de leur donner une visibilité nouvelle cette invitation constitue le lien avec la 4ème exposition documentaire Past Disquiet sous titrée Musées , exil et solidarité. Elle retrace des engagements d‘artistes et de musées solidaires des luttes anti-impérialistes des années 1960 à 1980. Elle est la résultante des longues recherches des deux curatrices Kristine Khouri et Rasha Salti pour mettre au jour des pratiques subversives internationales trop peu connues jusqu’ici.

Le même type d‘engagement radical est l‘objet de l‘association de femmes franco-syriennes DUNIA AL DAHAN. Elle s‘était fait connaitre en 2019 en organisant Où est la maison de mon ami ? à la Maison des Arts de Malakoff. Responsable ici de Dislocations elle réunit 15 artistes à majorité féminine de générations et de culture différentes , mais tous impliqués dans une expérience de l‘exil. Leur travail en rend compte dans des récits fragmentés d‘une grande puissance imaginative qui montre que l‘art peut être à la fois un outil de témoignage et de réparation.On peut y apprécie les autoportraits de la palestinienne May Murad qui détourne du mobilier design, alors que son appartement à été détruit par la guerre.La marseillaise Cathryn Boch exploite l‘art textile dans sa série Luttes invisibles. L‘irakien Ali Arkadi installe des photos sur pierre dans un éboulement qui évoque d‘autres ruines des conflits.

Mohamed Bourouissa est un artiste majeur mêlant l‘intime et le collectif dans une une partition de sensations réunissant dessins, photographies, films, sculptures, aquarelles, plantes et musiques expérimentales. Il assume le rôle de pivot thématique dans l‘ensemble cette programmation aussi créative que radicale.

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++INFO++

Expositions visibles jusqu’au 30 juin 2024

https://www.mohamedbourouissa.com

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