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SAVIGNANO 25e SIFEST aux confins de l’image

Duane Michals L'école de Dusseldorf
Duane Michals L’école de Dusseldorf
Parmi les festivals européens Savignano dans la province de Rimini fête ses 25 ans, autour d’une thématique de la frontière, en italien « i confini ». Cette manifestation à taille humaine se différencie par l’importance des lectures de portefolio et par la défense d’une photographie italienne et internationales de haute qualité, en exposition et édition.

Voir en ligne : http://www.sifest.it

Calé sur deux week ends de la mi-septembre le Savignano Images Festival intitulé Alea Iacta Est coordonne son ouverture avec la fête du village permettant à tous d’accéder gratuitement aux expositions jusqu’à minuit. Sur la place principale se tient sur trois jours la lecture de portefolio elle aussi accessible aux regardeurs. Editeurs, galeristes, critiques d’Italie mais aussi d’autres pays européens, France, Irlande, Angleterre, Roumanie … reçoivent pour une vingtaine de minutes d’entretien des producteurs d’images d’un niveau assez professionnel. Chaque expert peut recommander un ou plusieurs artistes. Cette année une trentaine d’entre eux ont été présélectionnés. Un prix sponsorisé par Hasselblad et dédié à la mémoire du généreux Lanfranco Colombo a été remis à Graziano Ponfilli pour un essai très sensible sur les rapports père-fils. Un second prix a été décerné à un étrange travail de Silvano Bacciardi sur les grilles de confessional reproduites dans un rapport 1 :1 où la parole des fidèles s ‘est incarnée dans les traces de respirtion.

Chaque année depuis 15 ans un second prix récompensant un travail à vocation documentaire en souvenir des photographies de Marco Pesaresi, fils du pays très tôt disparu. L’an dernier c’est pour la première fois un artiste français, Julien Lombardi qui l’a remporté. Il expose cette année sa série L’inachevé sur l’Arménie dont est originaire sa famille. Elle montre dans une fiction documentaire la reformulation d’un récit national pour un peuple toujours dans l’expectative.

La programmation accompagnée par Alessandra Capodaqua s’est révélée cette année très en lien aux pratiques contemporaines. Les frontières russes sont abordées par une série de Danila Tkachenko Restricted areas qui a beaucoup circulé en Europe, tandis que lui répondent les portraits de moscovites du duo Albert&Verzone. Parmi les vedettes une nouvelle série de vues d’Olivo Barbieri confrontent sur un workshop de danse réalisé au bord de mer l’opposition entre des photos pleines couleurs et les mêmes où les silhouettes des participants en mouvement sont désaturées. Un ensemble très signifiant de Duane Michals réuni par Enrica Vigano nous confirme sa confrontation aux confins des images de la littérature. Ses portraits d’écrivains ou d’artistes comme Marcel Duchamp ou Pier Paolo Pasolini dialoguent parfaitement avec ses séries humoristiques doublées de textes manuscrits. Trois œuvres couleurs plus récentes nous rappellent que son esprit caustique sait aussi s’exercer de façon critique vis à vis de Gursky, de Cindy Sherman ou de l’Ecole de Dusseldorf dont il se moque avec une certaine tendresse.

L’art contemporain est parfaitement représenté avec deux expositions dues à l’action de collectionneurs italiens. Jan van der Donk a prêté son exemplaire du livre historique Artists&Photographs édité en 1970 par Lawrence Alloway. Les différents cahiers et documents composant l’ouvrage sont installées sous vitrine pour nous donner à voir les créations des pionniers de ces rapports art et photographie : Mel Bochner, Dan Graham, Joseph Kosuth ou Bruce Naumann. Silvia Camporesi a quant à elle choisi 32 œuvres de la fabuleuse collection Marco Antonetto qui en compte plus de 3500. Elle opère des rapprochements d’une grande pertinence entre des œuvres d’époques et d’écoles différentes. Ainsi un négatif de la série des Penthésilées de Raoul Ubac datant de 1937 entrent en cohérence avec un Substrat couleur de Thomas Ruff, lui-même prolongé par une imposante tour de Sugimoto. Intitulée A secret about a secret selon la formule de Diane Arbus qui précisait « the more it tells you the less you know », on est impressionné d’y trouver tant de grandes figures, souvent avec des œuvres qu’il est important de revoir du fait de leur inscription dans l’histoire du médium et d’autres toutes aussi fortes mais moins connues. A côté de pièces historiques les américains Les Krims ou Richard Misrach y côtoient les grands européens comme Luigi Ghirri, Joan Fontcuberta ou James Casebere.

La recherche photographique la plus actuelle telle qu’elle se mène en Italie se trouve réunie dans le même lieu. A l’entrée, le travail mené depuis le plus longtemps, celui de Luigi Erba nous rappelle que le support de la pellicule permettait des proximités de montage jouant la complémentarité ou le collapse. Ces travaux testent aussi les effets de laboratoire argentique pour déstructurer l’image ou au contraire en faire une synthèse. A l’étage la confrontation entre les images couleurs et vidéo de Paola di Bello sur la représentation de l’espace et les ensembles d’un noir et blanc profond de Fabio Sandri questionnent selon leur titre respectif La complexité de la perception et les Précipités de réalité.

C’est une de ses images complexes de Paola di Bello qui fait la couverture de l’excellent catalogue publié par Pazzini Editore partenaire du SIFEST depuis de longues années. Ses publications étaient accessibles sur la grand place. L’autre révélation de cette année dans le secteur est la richesse et l’originalité des publications de Danilo Montanari qui accueille le catalogue des œuvres complètes des la même Di Bello , mais aussi un essai visuel sur Sol Lewitt, un livre d’artiste de Giulia Marcchi , le dernier ouvrage de Martino Marangoni et les mises en scène pleines d’humour de Paolo Ventura.

SIFEST 2016 montre qu’un festival qui sait garder le respect de son public en proposant un choix de peu d’expositions de haute tenue tout en lui apportant qualité et diversité peut défendre la photographie contemporaine d’une véritable exigence.

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