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A ppr oche, la défense tous azimuts d’une photographie expérimentale

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A ppr oche vient de tenir à Paris sa 6 ème édition dédiée à l’expérimentation du médium photographique. On pouvait y apprécier dans le double espace du 40 rue de Richelieu 14 solos show et un duo. Comme pour Offscreen quelques oeuvres interrogent le rapport à une abstraction non picturale mais plusieurs autres pistes de recherches plus singulières étaient à découvrir dans cette sélection internationale de très grande qualité.

Voir en ligne : https://www.approche.paris

La fondatrice du salon Emilia Genuardi l’a initié en 2017 , elle enseigne au Paris College of Art depuis 2021 et siège au conseil d’administration de la Fondation Swiss Life. Elle est secondée dans la programmation par Carole Vigezzi et Ariane Tronel. Ont ainsi été choisies 8 galeries françaises, 2 anglaises, une allemande, une américaine, une belge, une hollandaise et une suisse.

Les manipulations du support et des pures techniques photographiques en recherche d’une abstraction non picturale restent souvent trop formelles et supposent des stratégies complexes. Les colonnes faites d’enroulement de tirages pigmentaires de Marc-Antoine Garnier ( né en 1989) ont l’intérêt de spatialiser l’oeuvre obligeant le spectateur à une approche en mouvement. La mexicaine Fabiola Menchelli (née en 1983) intervient en chambre noire par pliage et dépliage de ses photogrammes couleurs réalisés en C print. C’est aussi le photogramme qu’utilise l’américaine Liz Nielsen (née en 1975) pour sa série Apparitions en multipliant les couches colorées et les formes géométriques. Les oeuvres mixtes de la brésilienne Alice Quaresma ( née en 1985) sont imprimées sur papier coton avec des interventions graphiques de peinture acrylique, actualisant les présupposés du mouvement néo-concret actif dans son pays à la fin des années 1950. Le japonais Daisuke Yokota (né en 1983) propose les oeuvres les plus spectaculaires par leur format comme par leur technique de production. Hautes en couleurs elles témoignent des interventions multiples, depuis le fait de faire bouillir les négatifs de grande taille, l’arrêt du processus par scan et les différentes couches qui s’ajoutent au tirage.

Deux artistes se consacrent à de singulières pratiques mixtes. Le belge Jonathan Rosic (né en 1979) crée ses dessins à l’encre de Chine peu contrastés avec pour source des images du quotidien qui insistent sur des gestes de saisies au seuil des objets manifestant une forme de disparition due à cette action : Touching from a distance. L’américain Matt Saunders ( né en 1975) multiplie les disciplines héritées des arts graphiques.Ses Resist Drawings sont réalisés sur papier gélatine argenté combinant les actions contraires des peintures à l’huile et des révélateurs à l’eau. Dans la série plus récente The Distances , Saunders revient partiellement avec de la peinture sur des C-prints réalisés à la main dans la chambre noire, le rendu en est proche de la gravure.

L’histoire du médium inspire les créations originales de deux artistes. Caroline Rivalan (née en France en 1981) revisite des mythes féminins à partir de documents historiques qu’elle retravaille par montage dans des dioramas et installations lumineuses sur plexiglass rétro-éclairés. Dans Persona muta elle retravaille ainsi des documents tirés de l’iconographie du professeur Charcot redonnant une dignité aux malades soupçonnées d’hystérie. L’espagnol Javier Hirschfeld Moreno (né en 1979) actualise des portraits cartes de visite du XIX ème siècle par découpe en explorant l’identité et l’invisibilité sociale gay par l’intégration des profils d’applications actuelles de rencontres homosexuelles, qui utilisent des paysages bucoliques par souci de discrétion.

Deux oeuvres développent un rapport original à la création musicale. Né en 1986 Matthieu Boucherit collabore avec un chef d’orchestre pour sa série PROVA qui chorégraphie sur fond noir des gros plans de gestes manuels. Il utilise différentes techniques dont de la sérigraphie textile ou des impressions au gélatino-bromure d’argent sur verre dans des cadres accrochés perpendiculairement à la cloison. Cette symphonie de mains est rendue sensible par ses différents écarts. Le Prix Swiss Life à quatre mains est attribué tous les deux ans depuis 2014 à un duo photographe et musicien. Cette année ce dernier est Sébastien Gaxie qui accompagne Vincent Fournier (né en 1970) pour leur projet commun la fable . Ses images produites à la chambre explorent les imaginaires du fAuctus Animalis (animal augmenté)utur qu’il soit utopie ou dystopie. Dans le monde qu’ils imaginent les végétaux, les minéraux et les animaux sont comme façonnés, augmentés par une intelligence invisible. L’ambitieux projet prend différentes formes dont un livre cd d’artiste, des versions exposition et des adaptations scéniques.

Trois parcours singularisent des univers et des esthétiques des plus personnels. Isabelle Wenzel (née en 1982 en Allemagne) originaire de Wuppertal ville de Pina Bausch, elle utilise sa double formation de productrice d’images fixes et vidéo et d’acrobate pour des séquences performatives d’une réelle puissance au service des pouvoirs sculpturaux du corps. Sa vidéo Automatia scénarise un dialogue conflictuel entre un drone et l’artiste en action dans la nature.La résidence PICTO LAB a été attribuée au belge Lucas Leffler (né en 1993) pour son projet APS (pour Advanced Photo System) . Il scénarise la fin de l’empire Kodak par la reprise d’images amateures de vidéos YouTube montrant la destruction des buildings de l’entreprise, en les tirant par des procédés dérivés du collodion sur de vieux smartphones d’occasion. Baptiste Rabichon ( né en 1987) utilise lui aussi le smartphone dans une des étapes complexes de sa nouvelle série Blue Screen of Death, le geste primaire de l’empreinte photographique est exalté grâce à l’utilisation de l’appareil devenu la nouvelle technologie fondatrice de l’image. Les images puissantes qui en résultent jouent de plusieurs oppositions à l’oeuvre dans la création iconique actuelle : argentique/numérique, positif/négatif, abstrait/ figuratif, empreinte/représentation, geste de la main/froideur mécanique de la machine…

Le salon a été logiquement l’occasion de la présentation publique du dernier livre de Michel Poivert Contre-culture dans la photographie contemporaine publié aux éditions Textuel qui problématise les différentes recherches ici exposées, actuellement en lecture nous y reviendrons.

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