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Monsieur Miroir

Florian Leinefenn/Fondation d'entreprise Ricard
Florian Leinefenn/Fondation d’entreprise Ricard
Comme chaque année, la Fondation d’entreprise Ricard présente une sélection d’artistes concourant pour le prix du même nom. Le prix, décerné par un jury de critiques d’art et de collectionneurs, sera remis le 22 octobre. Une œuvre de l’artiste lauréat sera achetée par le Centre Pompidou et viendra enrichir les collections permanentes du musée. La 12ème édition, conçue par Émilie Renard, regroupe les oeuvres de huit jeunes artistes : Neïl Beloufa, Julien Bismuth, Isabelle Cornaro, Benoît Maire, Mick Peter, Soraya Rhofir, Ernesto Sartori et Jessica Warboys.

Voir en ligne : www.fondation-enteprise-ricard.com

« Monsieur Miroir marchand d’habits / est mort hier soir à Paris / Il fait nuit / Il fait noir / Il fait nuit noire à Paris ». De cette chanson de Philippe Soupault est extrait le personnage dont Émilie Renard s’empare pour faire le lien entre les travaux présentés. D’une grande diversité, les oeuvres rassemblées parviennent toutefois à entrer en résonance à travers des jeux de reflets et de réverbérations.

Ernesto Sartori et Benoît Maire s’attachent à construire un système de représentations cohérent et homogène. Leur utilisation de la sculpture diffère (le premier construit de ses mains, le second élabore une pensée relayée par des objets) mais il en résulte dans les deux cas un territoire à arpenter, avec toutes les difficultés inhérentes à la découverte d’un monde différent. Composée de modules géométriques répétés, la structure en bois d’Ernesto Sartori propose un espace littéralement pavé par le motif en expansion. La base pleine et l’ossature qui la surplombe composent une architecture impraticable faite de pentes où l’équilibre ne peut être que précaire. Dans ce même registre de perte de repères, les tables de Benoît Maire ne sont pas là en tant que telles, et ce malgré leur réalité indéniable. Leur présence dépasse leur qualité de supports ou d’objets structurant l’espace. Les fragments agencés par l’artiste sont à prendre comme autant d’éléments constitutifs d’un monde fait de questionnements métaphysiques. Disons que ces sculptures ne sont que la partie émergée d’un iceberg dont nous n’avons accès que partiellement. À l’aide de films et d’objets, Benoît Maire élabore un système théorique qu’il nous convie à découvrir, à défaut d’en connaitre les moindres parcelles.

Le lieu d’exposition est en soi une scène où des acteurs interviennent, portent leur voix au centre d’un décor structurant l’espace. Qu’il s’agisse du film de Jessica Warboys ou d’une performance organisée par Julien Bismuth, c’est avec l’absence de mots que les corps doivent jouer. Julien Bismuth est autant un metteur en scène qu’un plasticien. « The funniest sculpture in the world » se compose d’un décor minimaliste et d’un acteur. La performance ayant eu lieu le soir du vernissage, il ne reste du rire du protagoniste que sa transcription en morse, matérialisée par des boules alignées au sol. À la scène vide fait écho la captation d’un show sans public où le bateleur sera rapidement mortifié par sa propre solitude. Mais il existe ailleurs d’autres systèmes de pensée qui permettent à l’absent d’entrer en communication. Pour preuve, les hommes convaincus des pouvoirs de la télépathie et de l’existence des flux d’imagination à qui Neïl Beloufa donne la parole.

En associant nombre d’éléments issus d’un même corpus, Soraya Rhofir et Isabelle Cornaro combinent autant qu’elles dissocient. Qu’il s’agisse d’images ou d’objets, les choix s’opèrent selon un système de catégorisation propre à chacune. La démarche analytique d’Isabelle Cornaro n’ôte en rien le rapport sensible, voire émotionnel aux objets choisis. Le plâtre gris utilisé pour le moulage unifie les formes disparates. Ce même principe d’homogénéisation se retrouve chez Mick Peter qui lui, organise ses œuvres en écho : photographies ou sculptures fonctionnent en doubles, sans pour autant systématiser le principe de la copie.

Derrière le masque de Monsieur Miroir, Émilie Renard compose un habile portrait de groupe, reflet de la sensibilité et du talent de chacun. Reste à savoir qui, des huit protagonistes, se verra distingué.

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++INFO++

Fondation d’entreprise Ricard 12 rue Boissy d’Anglas Paris 8ème

du 21 septembre au 6 novembre 2010 Un catalogue de l’exposition est à disposition.

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