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L’affiche à mon image

Une nouvelle expérimentale

  • lundi 3 décembre 2007

Piège

C’est devenu une telle évidence que nous avons tendance à l’oublier, nous vivons immergés dans un océan d’images. Tels des poissons d’un nouveau genre, nous évoluons dans une réalité peuplée d’images, comme la forêt il y a peu encore, était, elle, peuplée de fantômes. Nous pensons que nous voyons tout ce qui nous entoure mais est-ce que nous pouvons dire que nous voyons tout par nos propres yeux ?


Voir en ligne : http://ulice.deborne.free.fr/index....

Piège

C’est devenu une telle évidence que nous avons tendance à l’oublier, nous vivons immergés dans un océan d’images. Tels des poissons d’un nouveau genre, nous évoluons dans une réalité peuplée d’images, comme la forêt il y a peu encore, était, elle, peuplée de fantômes. Nous pensons que nous voyons tout ce qui nous entoure mais est-ce que nous pouvons dire que nous voyons tout par nos propres yeux ? Ah, comme nous aimons les évidences ! Ah comme nous somme oublieux ! Bien sûr que nous voyons bien tout ce qui nous entoure par nos propres yeux. Bien sûr aussi que nous oublions que les images qui dansent tout autour de nous, sont faites par d’autres yeux que les nôtres. D’autres yeux ? Ne savons nous pas qu’elles sont toutes faites par un seul et même oeil, unique et absolu, celui de l’appareil ? Les choses qui nous entourent, nous pouvons dire que nous les voyons, même si nous savons que nous ne les regardons pas nécessairement. Les images qui nous entourent, ont une particularité, c’est d’attirer notre regard. En d’autres termes, elles nous obligent à les regarder. Certes, on peut dire de telle ou telle affiche sur le bord de la route que nous ne la regardons pas et que nous ne la percevons pas, comme le reste, enveloppé qu’est le monde dans ce flou dont le recouvre cette inattention flottante qui est notre état naturel. Mais, le plus souvent, c’est autrement que cela se passe. Quand nous errons dans la ville ou dans notre maison, nous ne pouvons ignorer, en effet, que chaque cadre, celui de l’affiche, celui de la télévision, est un piège à regard. Et quand notre regard a sauté dans le cadre, les images le font prisonnier. Puis ce sont elles qui, en captivant notre attention, commencent à creuser des galeries dans le fond de nos cerveaux.

Résumé de l’action

Notre attention est fondamentalement flottante. Elle laisse notre regard glisser sur l’angle qu’un bâtiment fait avec le ciel ou sur l’ample ramure d’un arbre, mais passe-t-on près d’une affiche, notre regard se trouve irrésistiblement attiré par cette étrange fenêtre. L’image qui y trône comme un dieu hystérique forme une ouverture sur un autre monde, un monde qui a l’air de ressembler au monde réel, et qui est tout sauf réel car, nous le savons, il n’est composé que d’images. Nous le savons, mais nous l’oublions aussitôt que nous sommes en présence d’un de ces cadres magiques. À peine notre regard s’est-il tourné vers ce que cette fenêtre lui présente, qu’il se sent happé, aspiré par l’image et le voilà déjà qui a commencé de se perdre dans l’au-delà du cadre. Il est vrai que c’est ainsi que l’on s’évade, dans les villes parfois oppressantes, en passant à travers les images des affiches pour rejoindre, l’autre côté du réel. Même si cette expérience dure quelques dixièmes de secondes, nous avons voyagé loin, loin de ce monde, loin de nous-mêmes. Mais où sommes nous allés ?

Récit de voyage

Nul voyageur ne semble avoir pris le soin de nous raconter ce qu’il a vécu lors d’un de ses voyages dans le monde des images. Je vais le faire avec vous, moi, pareil à cet Ulice, ce quidam démocratique, unique semblable à tous. Une fois dans le cadre tout parait, comment dire..., beau n’est pas le mot, mais tranquille, calme, ordonné, oui c’est cela, ordonné. L’ordre règne dans le cadre, et c’est d’ailleurs sa fonction première, faire que tout tienne dans ses limites, que rien ne dépasse. Et en effet, rien ne dépasse. Tout ce qui n’entre pas dans le cadre est littéralement effacé, aboli même. En tout cas nous l’oublions, aussitôt. Aucun obstacle, aucune aspérité, aucun trouble ne nous arrête. Seule peut-être une sensation étrange nous saisit, une sensation douce et amère à la fois, puis elle s’efface à son tour devant le bonheur de se retrouver dans ce monde parfait, dans le monde où tout est lisse et frais, éternellement jeune, le monde des images. Il y a de tout dans ce cadre, même si cela se présente comme des strates qui semblent hétérogènes les unes aux autres. Parfois on se dit qu’elles sont aussi complémentaires. Les chaises et le ciel, les nuages et les avions, les machines et les animaux, tout finit par se présenter à nous, et c’est comme si, entre le chien et le pré, entre le pré et le ciel, entre le ciel et nos espérances, il n’y avait plus aucune distance. Pourtant, à chaque fois que l’on va de l’un à l’autre de ces motifs, on se sent comme troublé. Une crainte étrange nous saisit. Elle ressemble à la peur du vide. Et soudain nous semblons comprendre que pour passer de l’un à l’autre de ces objets rassemblés pour notre bonheur dans l’image, il nous faut en fait passer par dessus un gouffre. C’est en fait à cela que nous savons que sommes passés de l’autre côté, que nous avons réellement mis le pieds dans le monde des images. Et puis, il y a le fait que nous passons d’image en image, tout au long de la journée que nous glissons d’une surface à une autre. Des spécialistes du surf sur image, voilà ce que nous sommes devenus, pour combattre notre peur du vide ! Ah, bien sûr j’oubliais les femmes ! Elles sont partout dans le monde des images, belles désirables, indistinctement offertes et pourtant, elles aussi, toujours inacessibles. Si je devais résumer cette expérience, je dirais que ce que j’ai appris dans ces voyages, c’est que tout ce que je vois est littéralement intouchable. Comme les femmes et les rêves ! Ah, j’oubliais ! Encore une chose. Les objets dans le monde des images sont souvent comme marqués au fer rouge, d’initiales ou de noms, des noms propres bien sûr. À croire qu’ils ont peur de ne pas retrouver leur maître !

Ciel

Cela fait plusieurs fois que je passe dans cette rue et ce n’est qu’aujourd’hui que je comprends ce qui m’a troublé chaque fois. C’est une étrange boutique avec une vitrine étrange et un intérieur tout aussi étrange. C’est cette étrangeté que j’ai mis du temps à identifier. Mais je crois que j’ai trouvé. Il s’agit de l’affiche dans la vitrine. C’est une image à la fois pleine d’images et qui donne pourtant le sentiment d’être habitée par un grand vide. Aujourd’hui, peut-être parce que je m’étais habitué à ce vide, il m’a paru agréable, accueillant même comme si mon regard au lieu d’être aspiré d’un coup se trouvait convié à entrer. En fait j’ai eu la sensation que l’image me faisait un clin d’oeil, qu’elle me parlait à moi directement. Alors je suis entré. Je veux dire que je me suis laissé aspirer par l’image en même temps que je suis entré dans la boutique. Tout était calme, et j’avais pour la première fois l’impression de flotter dans l’image et non pas de devoir faire attention pour éviter les objets qui s’y trouvent. Je m’y promenais mais pas comme si j’étais dans une rue accueillante ou dans un magasin rempli de faux rêves plastifiés. En fait j’étais chez moi, je veux dire chez moi, dans le ciel et je n’avais pas peur du vide ! Nous avons tous la même patrie et nous faisons semblant de croire que c’est la terre. En fait, maintenant je le sais, c’est le ciel, enfin une sorte particulière de ciel, un ciel qui ressemble plus à celui des peintres qu’à celui des avions. Un ciel où tout est possible et surtout de flotter et de rencontrer tout ce que l’on aime, de le convoquer en esprit et de le trouver effectivement là présent à ses côtés.

Boutique

La pièce est un peu vide pour une boutique. Il y a même des choses qu’on ne trouve pas d’habitude dans une boutique. Certes, il y a un bureau et un meuble fait uniquement de tiroirs, mais il y a aussi une sorte de lit, un lit bizarre, enfin si on peut appeler cela un lit. en fait, lorsque je me suis approché, j’ai vu qu’il y avait une forme, plutôt celle d’un corps humain, découpée dans de la mousse. Comme si on m’attendait me suis-je dit. Alors, comme personne ne venait à moi, je me suis approché et je me suis décidé à me laisser glisser dans cette forme. Un ou deux mouvements pour bien me caler et me voilà allongé les bras le long du corps comme encastré dans cette mousse accueillante. Je ferme les yeux. Oui, rien d’autre à faire que cela, fermer les yeux. Des bruissements me parviennent alors, étrangement proches. Je sens une présence mais je ne peux pas me relever et je n’ai pas envie d’ouvrir les yeux. Détendez vous me sussure une voix féminine, détendez-vous. Je suis détendu ai-je envie de répondre mais aucun mot ne sort ma bouche. Puis plus rien. Le silence. Un silence doux, léger, agréable. Puis vient le premier petit bruissement. Il s’accompagne d’une sensation de plus de légèreté encore. On dirait qu’on ouvre un tiroir. Et c’est bien cela qui arrive, qui m’arrive. On vient d’ouvrir un tiroir et ce tiroir se trouve dans ma tête. Je le sens. Une main légère se glisse à l’intérieur et en ressort des images. D’un clin d’oeil me semble-t-il, je dis oui, ou non, et encore oui ou encore non. Les tiroirs s’ouvrent et se referment, la main gracile volette, papillon. Les images défilent. Il y a un tas, quelque part dans mon esprit, un tas d’images que j’aime. Et à nouveau la main va et vient et me représente ces images. Oui, non et encore oui et encore non. Je choisis et trie à nouveau. Voilà, oui c’est cela, c’est bien c’est ce que je voulais. Stop !

L’affiche

Un bruit de porte qui claque. Un courant d’air sur mon visage. Je suis dans la rue. Je me retourne. Je suis devant la boutique. Il y a une affiche. Elle semble destinée à tout le monde, mais je suis certain que c’est à moi qu’elle s’adresse. C’est une affiche d’un genre particulier. Maintenant je sais pourquoi. Il n’y a pas de nom gravé au fer rouge sur les objets. Je la regarde encore un peu. Une femme qui flotte dans le ciel orange du désir me fait un clin d’oeil, m’appelle. Autour d’elle, je ne vois que des choses que j’aime. J’ai l’impression d’être chez moi, pas dans ma maison, dans un monde fait à mon image. C’est à cet instant que je me sens soulevé comme aspiré par le ciel. Je vole au dessus d’un vide clair, monochrome, apaisant. Cette fois, je n’ai pas peur. il est vrai que je suis chez moi. La femme me prend par la main. Nous voyageons ensemble à travers l’espace comme des anges.
- Vous désirez ? Une femme me regarde. Elle me tend un rouleau.
- Voilà votre affiche, Monsieur. Je pense qu’elle sera parfaite une fois installée dans votre vitrine. Maintenant, je m’en souviens. Je suis entré hier dans cette boutique étrange et j’y ai commandé une affiche, pour ma boutique, une affiche pour laquelle j’ai choisi chaque élément, une affiche à mon image. Je suis chez moi. L’image, immense et reposante, m’accueille. Elle fait signe aux passants, je le sais. Je vois à leurs regards qu’ils voyagent à leur tour, dans le ciel monochrome du désir. Moi, je suis là, assis devant ma porte. Dans ce rêve, il me semble simplement que le temps s’est arrêté.

Juillet 2007

FAIR(E) : La première Agence de Non-Publicité de Ulice Deborne

Une activité plus qu’une exposition ?

La galerie a été transformée par le post-artiste Ulice deborne, en Agence de Non-Publicité. Le temps de son activité, la galeriste, Santina Coerezza, est devenue un agent commercial. Elle proposait les services de l’agence aux habitants de la ville ainsi qu’aux touristes, afin de produire des Non-Publicités. L’agence FAIRE est l’exemple d’une nouvelle profession, un modèle inventé afin de proposer une activitée réelle, symbolique et espérons le rémunératrice. L’agence FAIRE a emménagé là en fonction d’un impératif : tenter l’expérience de vivre et travailler de façon réelle et symbolique, dans un espace en mutation.

Pourquoi faire Agence ?

Depuis notre enfance nous sommes traversés par un flux d’images qui ont sûrement influencées notre comportement. Inconsciemment, notre corps est ainsi devenu la boite noire d’une caméra qui a enregistré un entremêlements d’images vécues, ressenties et produites. À la rationalité de la production doit répondre l’intuition de l’expression pour que l’Humanité redevienne équilibre. Recycler les images qui nous entourent et redonner à la liberté individuelle un temps et un espace à soi : celui d’une vision qui serait la tentative de nous représenter nous même. Une Non-Publicité ? Une Non-affiche ? L’agence FAIRE offre à qui le désire la réalisation sous forme d’affiche, d’un petit espace individuel, imagé, comme la réponse possible au dogmatisme de la publicité sous toutes ses formes. L’acte personnel de réappropriation symbolique face à l’imaginaire collectif et publicitaire de la société, est un réflexe écologique.

AGENCEFAIR(E) La Première Agence de Non-Publicité ©

Écologie fictionnelle du regard

L’Agence FAIRE, pour l’instant, ne propose qu’un seul service. Grâce à son catalogue de formes imagées, une affiche sans message déterminé peut être conçue par vous et fabriquée éventuellement sous vos yeux. L’agence possède un certain nombre d’images puisées dans des magazines, journaux et catalogues de toutes sortes. Ces images sont classées par formes, couleurs et contenus en attente de leur réemploi. Le client choisit des images que le post-artiste en qualité d’excécutant, agence sur la surface de l’affiche. L’agence FAIRE, réalise l’original d’une affiche qui sera reproduite à la demande d’un ou plusieurs clients. L’agence se garantit le droit de reproduire l’affiche originale selon la demande de sa clientèle.

Ulysse Deborne

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++INFO++
Cette nouvelle expérimentale a été écrite à l’occasion de la présentation de l’activité de l’agence FAIR(E), 1ère Agence de Non Publicité de Ulice Deborne. A la Galerie d’art contemporain Oestraka de Bernay, du 10 août au 17 septembre 2007.
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