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L’eau qui dort José Garcia CORDERO

Garcia CORDERO

On prend d’abord pitié de cet homme et de sa condition humaine envahie par de la végétation proliférante jusqu’à lui prolonger le crâne par des appendices cactés. Ou bien disparaissant presque dans un marais à ras de bouche.

Et puis, à y regarder de plus près, une inquiétude sourd qui n’est pas due à la menace végétale mais au danger de l’homme lui-même qui, fixant ses yeux sur les nôtres, ou nous souriant du rictus de ses dents découvertes, nous défie, profitant de notre premier regard de commisération sur le petit homme perdu…

Perdu « Voire ! Perdu ou bien caché » Masqué par un mufle de chien comme dans sa série du » neuro-perro « de 1992 à 1998 « Ou révélant sa véritable nature de loup aux yeux flamboyants » Est-il possédé ou démoniaque « 

Il nous a attiré l’œil » Dès lors, il ne nous lâche plus.

Dans l’ombre, dangereux plus qu’en danger, il nous attend » waiting for you « , démultiplié pour que rien n’échappe à son regard de sentinelle, dissimulé parfois, omniprésent même quand il n’apparaît pas.

La forêt qui l’entoure, celle de Wilfredo Lam, peintre magique auquel il se réfère, est pour lui le lieu de sortilèges qui se situent davantage du côté des ensorcellements et des maléfices que des enchantements. Les nouures de ses arbres s’enchevêtrent et nous barrent toute issue. Prison de la » verdadera selva « , tressage inextricable de ce qui est moins forêt que jungle (qui se dit aussi selva et révèle sa nature comme le chien nous a rappelé son essence de loup). On devine que de ces marigots, mot dont l’origine est caraïbe, s’élèvent des exhalaisons méphitiques.

Il nous a lui-même prévenus : son œuvre est une arme à double tranchant –arma de doble hilo- qui dit le contraire de ce qui se laisse d’abord comprendre… façon de désamorcer les reproches que nous pourrions lui adresser de nous avoir envoûté à notre insu !

Il en va même de son nom : Cordero, agneau, qui ne soit trompeur.

S’il se présente, vu de haut, le sexe à la main, ce n’est pas pour nous séduire érotiquement, c’est pour nous montrer que les testicules qu’il manipule de façon ostentatoire se situent dans le prolongement des petites cornes qui lui ont poussé de chaque côté de la tête.

Il fut un temps où José Garcia Cordero se réclamait de la tragédie solaire du Camus des Noces. C’est maintenant dans un univers nocturne qu’il évolue, y édifiant comme une termitière une tour d’observation aux mille yeux, surveillance totalitaire qu’il dit dénoncer, cependant que sa tour de Babel ricane, de tous ses dentiers, de l’absence de Dieu peut-être ou de son impuissance.

A moins qu’il ne s’agisse du juste retour des forces chtoniennes que l’homme occidental a cru asservir. Vous croyiez pouvoir disposer des ressources sylvestres et liquides (et des poissons, un autre de ses thèmes) ? Mais vous n’avez pas pris garde que la nature ne se laissait pas domestiquer, qu’elle se rebellait, que les ancêtres qui s’y étaient réfugiés vous guettaient, qu’ils préparent la riposte, que les mythes souterrains continuent de vivre, contre la mort programmée des bradeurs de notre planète, des envahisseurs de tous ordres qui ne se limitent pas à la Caraïbe mais pensent déjà avoir conquis le monde.

On imaginait que Cordero représentait l’humilité, l’humidité mais c’était sans compter sur l’humus caché dans leur étymologie, la terre même que cet agneau enragé nous montre attendant les hommes prédateurs pour les anéantir le moment venu.

Les cornes ne sont pas celles du diable mais bien celles d’un faune, cette divinité jusqu-là paisible, qui passe à la clandestinité derrière la protection des arbres complices et des eaux dont on croit à tort qu’elles sont dormantes.

Fantastique, croyait-on ? Mais derrière se prépare une guérilla sans merci.

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