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CorpsÉcorce

Exposition personnelle de Florent Lamouroux Galerie Isabelle Gounod, Paris

Florent Lamouroux, Débordement, 2021, Céramique émaillée, bitume, socle en bois,
Florent Lamouroux, Débordement, 2021, Céramique émaillée, bitume, socle en bois,
Florent Lamouroux procède avec humour pour interroger notre place d’individu dans la société. Si le corps était d’abord très présent dans l’ensemble de son travail artistique, pour cette exposition personnelle à la galerie Isabelle Gounod, il poursuit ses expériences plastiques en s’intéressant aux phénomènes d’anthropisation qui altèrent les paysages. Les matériaux qu’il emploie expriment les problématiques actuelles liées à la consommation et plus globalement à nos modes de vie. Il nous éveille aux problématiques environnementales non pas en mettant en évidence la beauté d’une nature, source d’émerveillement, mais plutôt sa disparition, son enfouissement, son recouvrement. « Si on pense qu’il y a une voie, l’art est censé ouvrir un maximum de pistes pour vous montrer que là où vous ne l’avez pas vu, il y a tout de même une ouverture » affirme l’artiste. Ses œuvres nous invitent à prêter attention aux formations et aux changements des matières.

Voir en ligne : http://galerie-gounod.com/artistes/...

Avec Boule à neige, son projet en cours, il réinterprète ces objets vendus comme souvenirs d’un voyage : à l’intérieur, des résidus de plastique colorés attestent de ce qui reste de nos passages en ces lieux influencés par le tourisme. Tels des globes qui contiennent des sédiments issus de récoltes lors de diverses actions de nettoyage, ces œuvres témoignent d’un état des lieux de nos littoraux. Cultivant un goût pour les collections de matériaux à la fois naturels et artificiels, Florent Lamouroux compose des Microcosmes, des œuvres qui trouveraient leur place dans des cabinets de curiosités. Entre artéfact et objet d’étude scientifique, ces compositions incarnent des fragments de territoire. Elles renvoient à la géologie de lieux qu’il a exploré.

Notre perception est troublée et la reconnaissance des matériaux qui composent ces micro-paysages s’apparente à une forme de jeu. Volontairement non fixés, ces éléments peuvent être déplacés, constituant alors une nouvelle proposition d’un territoire miniature. Chaque carreau en terre serait à la fois une œuvre à part entière ou une partie d’un grand paysage à recomposer. Ainsi, des métamorphoses, des mutations, provoquant la fragilité des milieux naturels, se révèlent en prenant le temps de s’attarder et d’aiguiser son regard.

Les codes de la géographie sont confrontés à un geste pictural d’une grande liberté dans ses Cartographies. L’application d’une couche de peinture bitumeuse fait apparaître une topographie d’un paysage anthropomorphe. Ce qui suggère une potentielle déliquescence d’une montagne. La relation entre le corps et le paysage se révèle également dans sa sculpture intitulée Mutation : La forme que dessine la posture courbée, proche du sol s’apparente à celle d’une montagne. L’homme semble porter le poids d’une roche qui pourrait l’écraser. Des correspondances se manifestent alors entre les changements que subissent notre corps et ceux qui secouent les paysages.

Les altérations de la couche terrestre sont d’autant plus importantes dans ses Cartographies éruptives. Dans ce répertoire de changements de géographie de paysages, l’utilisation de la peinture bitumineuse et de la couleur orange fluo annonce un certain danger. Ces éruptions attirent notre attention sur un monde déjà en ruine. Des constructions de villes ou de paysages sont signes d’explosion, d’apparition de cratères ou bien de cataclysmes, conséquences des forces de la nature. Ces coupes renvoient également à une nouvelle vie, indice d’une possible résilience. La puissance d’une force souterraine se révèle notamment dans ses Cartographies telluriques. Dans Cartographie – ilots, des cyanotypes de racines indiquent une possible vie sous terre. Ce territoire insulaire semble en suspens et fragile. Le bitume naturel rencontre les parties souterraines des plantes, ce qui pourrait créer une autre matière, donnant naissance à d’étonnantes formations géologiques.

Les travaux artistiques de Florent Lamouroux nous alertent sur nos impacts sur la planète. L’artiste poursuit sa réflexion sur l’homme comme identité individuelle et identité collective dans la société. Deux phénomènes naturels se font écho dans ses œuvres Débordement et Erosion. Un relief se perçoit en s’abaissant à proximité de la première sculpture. Ses personnages sculptés en céramique émaillée apparaissent tels des plots qui diviseraient nos déplacements. Comme s’ils étaient submergés, ils prédisent les conséquences du bouleversement climatique. Cette œuvre attire l’attention sur les changements que subissent nos paysages : Il devient urgent de considérer ce qui se passe au-delà de la surface, du sol sur lequel nous marchons. Comme une réponse à cette œuvre, Erosion suggère un autre phénomène lié à l’eau. L’usure du relief se traduit sur une même foule de sculptures d’individus en céramique émaillée.

Florent Lamouroux rend visible les absurdités des éléments que nous fabriquons. Ses découvertes de matières l’incitent à approfondir des recherches sur leur origine et leur variation d’aspect. Il nous incite à percevoir ce qui est au-delà de la surface, un aller-retour entre des mouvements d’émergence de roches et ceux de désagrégation. Ses œuvres, teintées d’un certain humour, peuvent nous faire songer à l’altération de nos environnements. Au-delà, celles-ci pourraient faire l’objet de nouvelles investigations scientifiques.

La force des éléments naturels et une nouvelle « ère géologique anthropisée » se donnent à voir. Archéologue du quotidien, Florent Lamouroux met en évidence un possible basculement entre les résidus des activités humaines et les matières naturelles constituantes d’un milieu. Il dresse une cartographie de mouvements de terrain, de processus de dégradation de la couche terrestre ou d’autres manifestations des forces de la nature. Du plan au volume, de l’expérience sur papier au travail de la sculpture, ses œuvres témoignent des dérèglements du cycle de transformation des matières. De fait, les différentes manières de représenter la géomorphologie du paysage mettent en évidence les déséquilibres des écosystèmes.

Son exposition nous convie à nous interroger sur les diverses formations de terrains, sur le petit grain de sable qui pourrait déclencher une catastrophe naturelle ainsi que sur nos façons d’agir envers la planète. Celle-ci nous alerte sur le devenir de milieux où la frontière entre le naturel et l’artificiel s’estompe progressivement.

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++INFO++
CorpsEcorce Forent Lamouroux Jusqu’au 23 mars Galerie Gounod 13, rue Chapon 75003 Paris - 01 48 04 04 80
- www.galerie-gounod.com – contact@galerie-gounod.fr

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