Voir en ligne : www.rencontres-arles.com/
Le titre exact de la manifestation est « NON CONFORME / UNCERTIFIED ». Pourquoi avoir ajouté ce qualificatif anglais ? Exprime –t-il « non certifié » ? « Non certifiée » pourrait être l’impression générale de cette édition 2011.
L’IMAGE apparait être le sujet prioritaire de cette manifestation, délaissant ainsi le medium qu’est la photographie. En effet, aucune photographie dans les expositions Manifeste « From here on » (virtualité - et non virtuosité - numérique excessive et blagues potaches - la mini rétrospective du marseillais Thomas Mailaender en est la caricature !-) sont au rendez-vous excepté quelques éclairs, somme, toutes géniaux tels que Hermann Zschiegner avec « + walker evans +sherrie levine » ), Foam (conceptuel à souhait), Chris Marker (oublions vite la série du métro !), Gabriel Figueroa (magnifique exposition cinématographique et non photographique) démontre ce constat.
Faudrait-il rebaptiser les « Rencontres Arles Photographie » par « Rencontres Arles Images » pour l’édition 2011 ? Il est étonnant de voir que ce médium neuf, récent, appelé « la photographie », commence à disparaitre sous les coups capitalistes de l’ère informatique. En effet, qu’est-ce qu’un pixel sinon des datas données ? Et de surcroit à l’image de l’ère financière contemporaine, des datas données facilement monnayables !
Evidement, mon humeur pluvieuse agit sur mon écriture critique. Cependant, la photographie semble se dissoudre dans un mot-valise, un mot fourre-tout, le mot IMAGE. Et les rencontres Arles 2011 constitueraient un baromètre évident de cette évolution globalisée et mercantile. L’ordinateur serait le dissolvant des sels argentiques. L’écran numérique de l’internet serait la faillite de la réflexion. Google continue son incroyable emprise tentaculaire de compilation planétaire, y compris l’acte créatif. En témoignent les nombreux « imagiers de canapé » de l’exposition Manifeste : Mishka Henner (the « photography is » est le recensement de plus de 9 Millions de phrases googlisées !), Doug Rickard usant de Google street view pour soi-disant réinventer la couleur américaine, Jon Rafman googlisant la prostitution planétaire mise sur le web (avec google street view encore !) sans la reconnaître comme telle mais comme images de rue fournies par internet…
Si le « IN » certifie l’image au détriment de la photographie, le « OFF » (ne durant qu’une dizaine de jours ! et non trois mois comme le IN) offre un mouvement de résistance des plus surprenants. De nombreuses expositions re-placent la photographie sur le territoire arlésien, grâce au Livre, territoire photographique par excellence, avec les cimaises. Les « RIP » au titre maladroit invitent le regardeur à s’asseoir sur les bancs messianiques et à lire les photographies sous la lumière des vitraux de l’église Saint Julien, « A4+ » au siège du PCF arlésien propose une sélection remarquable d’ouvrages photographiques rares, des livres d’auteurs, à l’instar du Garage, situé au finistère de la Roquette, l’atelier cinq, près de la place Voltaire réconcilie écriture et photographie avec une entreprise périlleuse de « face & façade »…
Ces quelques expositions dans le « off » sont, en quelque sorte, des arguments forts, certains que la photographie n’est pas obsolète, désuète mais est bien un médium réfléchi, au devenir encore prometteur s’il fallait encore le démontrer !
Et puis, il est notable que ce sont souvent des jeunes qui sont à l’origine de cette résistance talentueuse du médium, dont les spécificités sont encore peut-être plus innovantes et riches que voudrait nous le faire croire cette édition 2011 du IN ! La photographie a encore de beaux jours devant elle… sans sombrer dans la conformité.
D’ailleurs, fait non négligeable, si l’artiste ne semblerait plus réaliser des photographies, les visiteurs, eux, sont sollicités à en produire : un photomaton des ex-pays de l’Est ainsi que le projet « Inside OUT » de JR, tous deux situés dans les ateliers, le prouvent. Alors que chaque visiteur est producteur d’images avec son téléphone portable entre autres, cette fois-ci, il est invité à être sur la photographie et non l’image !
Au sortir d’une semaine ensoleillée de déambulations dans Arles, il semblerait bien que le titre de cette édition 2011 ne soit pas approprié. En essayant de substituer l’image à la photographie, l’édition 2011 des Rencontres « tombe » dans la conformité et se plie au vent dominant actuel du capitalisme globalisé, dont les pixels sont les instruments par excellence.