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Comme dans un rêve

Les mines de plomb de Davor VRANCIK

  • mardi 23 septembre 2008
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Les œuvres de Davor Vrankic présentées à la galerie Deborah Zafman nous plongent dans un univers qui semble n’avoir pas d’âge. Nous sommes en effet face à des dessins, parfois immenses, qui nous font inévitablement penser aux maîtres de l’art fantastique et grotesque. Pourtant le propos ici semble différent. Car d’une certaine manière, il n’y a pas d’action, comme dans les tableaux de Bosch, mais bien l’étale d’une forme singulière de passivité, mais une passivité bourgeonnante, pullulante, et au fond très vivante.

Viande Les grands dessins pourraient presque nous induire en erreur et nous faire croire que Davor Vrankic serait un peintre de scènes d’une vie quotidienne relookée au gré d’un imaginaire lié à la chair et à la nourriture. Il n’en est rien. Tous les éléments qui composent un tableau comme « Go to sleep, you’re too big for a lullaby », – 210 x 330 cm, il est bon de le rappeler, malgré ou plutôt à cause du chaos de figures qui l’habitent – ne représentent que des figures passives, mortes, de la viande ou des produits issus de la charcuterie, bref, rien de vivant. Potentiellement tout ce qui est représenté pourrait servir par contre à maintenir celui qui en consommerait, bien en vie, à condition sans doute de ne pas en abuser. Nous sommes donc loin des scènes de torture, des massacres, des actes de barbarie drolatiques qui hantent les œuvres de Bosch, ou des éléments vivants qui peuplent les portrait d’Arcimboldo. Davor Vrankic nous plonge dans un monde qui semble agité mais qui, à y regarder de près, est comme plongé dans une sorte de torpeur toute particulière, celle de la digestion. Comme si l’ensemble des éléments représentés évoquait dans leur composition même, le processus biologique auquel il sont destinés. C’est comme si donc on nous montrait en train de digérer en représentant non pas le bourgeois assoupi dans son fauteuil ni les plats cuisinés ni même les reliefs du festin mais la viande telle qu’elle peut apparaître avant consommation et même avant cuisson. Ici où là une forme sombre, un trou quelconque, floue comme une bouche sans corps vient confirmer cette hypothèse en en tout cas faire de cette fresque, celle d’une représentation renversée, doublement métaphorique en quelque sorte, de ce à quoi, ce qui est représenté est donc destiné.

Rêve Mais c’est face aux dessins de petite taille qu’une part du mystère se révèle. Cette viande, pure passivité, pur état de la matière au-delà de toute forme d’attente, ne se situant dans cet horizon que pour celui qui regarde l’œuvre et salive déjà à l’idée du festin, cette viande à peine dépecée ou déjà préparée, revient mais à travers des éléments uniques, occupant tout l’espace du tableau et semblant eux, animés d’une vie toute particulière. En fait plutôt que d’une vie, c’est d’un rêve que ces formes semblent animées. Et là encore il faudrait dire d’un rêve à la puissance deux, car, en effet, chacune de ces formes qui n’est ni animale ni végétale semble, souvent repliée sur elle-même ou coincée dans un coin, en train de dormir et de rêver, mais chacune de ces formes semble aussi être quelque chose qui est en train d’être rêvé par un esprit un peu fatigué. Et puis il y a les plis. En fait, chacune de ces formes est un amas de plis un déploiement de plis ou un repliement de feuilles de matière à peine ourlée de légères crevasses formant comme un fragment de peau ou d’intestin. L’ensemble de ces dessins est en fait le rêve même de la matière ou plutôt de la viande. Car la viande rêve et rêvant elle devient forme et cette forme est elle-même en train de rêver de se rêver ainsi à l’infini. Car le rêve de la viande, c’est-à-dire de la petite unité de base de la matière organique, c’est de se prolonger, de se dupliquer de se déplier et replier et déplier encore, à l’infini, comme l’évoque de manière obsédante et étouffante le dessin interior par exemple. Que Davor Vrankic ait en plus un humour certain et qu’il puise certaines de ses formes dans répertoire onirique de les surréalistes ont su mettre à jour ne peut nous étonner, mais l’essentiel est sans aucun doute cette capacité à nous rappeler que nous somme les éléments d’un rêve qui n’a jamais été rêvé par personne et que ce personne, c’est nos non pas comme individus mais comme amtière, pure matière passive et rêveuse et par là vivante.

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++INFO++
Galerie Deborah Zafman 3-5 passage des Gravilliers 75004 Paris. Téléphone : 01.40.29.46.74
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