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C’est une terre aride toutefois dédiée à l’élevage réputé de bovins que l’on imagine balayée par les vents qu’a inlassablement et amoureusement photographié Vincent Bengold ; une douce clarté quasi minérale semble nimber ces paysages souvent brumeux (l’on est à environ 1 000 m d’altitude) ; des pierres blanches et murets ainsi que fermes trapues en pierre sèches, buissons chétifs s’égrènent à perte de vue… Indomptable plateau de l’Aubrac, lumineux, tel une « Terre promise » comme le suggère le sous-titre du livre, à cheval sur les départements de la Lozère, du Cantal et de l’Aveyron.
Vincent Bengold nous convie à une intense expérience visuelle et sensuelle renforcée par la grande qualité de l’impression sur papier mat. L’on rencontrera dans ce livre peu de double pages mutilant les images en leur milieu ou aux deux tiers, et c’est tant mieux !...
La préface d’Alain Bouldoires propose cette piste de lecture : « Ce paysage n’est pas un décor, une composition, une fiction. Il est un sentiment soudé par le réel, une chose vue et vécue, un lien indéfectible entre soi et l’environnement. Il ne peut laisser indifférent celui qui l’accueille en lui, sollicitant à coup sûr sa rêverie. » (p. 10) Si j’abonde globalement dans le sens d’Alain Bouldoires, j’émettais toutefois une réserve : je pense que ce « paysage » est bel et bien une « fiction » que notre imaginaire doit investir subjectivement comme c’est le cas de toutes les images d’ailleurs, y compris et surtout de style documentaire…
Ça et là, quelques courts textes du même auteur dans le déroulé de la maquette font parcimonieusement écho aux images, filant joliment la métaphore de l’océan et du monde végétal, en évitant le travers si répandu de la redondance : « Ce qui est en nous est là, décuplé. La fureur de l’orage traverse ce grand large qui balaye en creux nos branches de colère. Le vent murmure à nos oreilles tout l’éclat et le charme de la tempête glissant sur cette terre déployée. Avec l’Aubrac, nous avons rendez-vous avec le sublime ouvert sur la vie et les imaginaires qui l’habite. » (p. 62)
Presque pas d’animaux (à l’exception de vaches en train de paître paisiblement sur une seule page) ni d’humains dans ces paysages idéalisés – juste parfois des traces, barrières, murets, habitations discrètes et croix religieuses… – relevant du registre photographique du « documentaire poétique » (j’emprunte cette expression à Jean-André Bertozzi) si bien représenté dans la photographie française contemporaine : celle d’une « Terre promise » qui serait encore inhabitée. Une utopie romantique (dans le sens originel du terme, celui du courant artistique) qui hantera longtemps le lecteur après avoir refermé le livre.