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Arles IN , des Rencontres convaincantes

Shadi Ghadirian, Qajar, 1998. Avec l'aimable autorisation de l'artiste et de la Silk Road Gallery.
Shadi Ghadirian, Qajar, 1998. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la Silk Road Gallery.
Pour cette troisième édition qu’il met en place Sam Stourdzé réussit à rendre compte des grands courants de la production photographique actuelle. Pour cela il structure ses propositions en déléguant de nombreux commissariats. On y voit s’organiser une réflexion critique sur la route comme lieu de vie et de mort, plusieurs situations locales sont analysées avec l’approche très nouvelle des fictions documentaires, recherche fondamentale et recherches plastiques sont abordées.

Voir en ligne : www.rencontres-arles.com

Sur d’autres routes

La pratique photographique s’est trouvée dès l’origine liée au voyage, à la découverte d’autres territoires. Dans les grands connurbations l’espace individuel du déplacement se restreint comme en témoigne la série la plus réussie de Mickael Wolf, parce que jouant moins sur le spectaculaire, elle montre des portraits rapprochés de japonais, corps et visage coincés contre les vitres du métro. Le voyage permet aussi de donner à voir ce que les usagers habituels ont assimilé sans plus le voir. Marie Bovo empruntant les trains russes y crée ses Stances. Dans l’ancienne église des trinitaires elle a construit une sorte de travelling avant sur l’interdit qui s’applique au paysage tandis que le chœur débouche sur un polyptique qui laisse espérer un accès plus libre. La route put être aussi le lieu de l’accident qui met un terme à la vie d’anonymes mais aussi de célébrités ; Christophe Rihet est retourné sur les lieux du drame qui a vu la mort d’icônes comme James Dean ou Albert Camus.

Des situations nationales sont données à voir par des monographies ou des ensembles plus collectifs. Comme en complément de l’excellente exposition de la MEP sur le Japon, un focus nous est donné ici grâce à la première rétrospective française de Masahisa Fukase aux pratiques radicales et provocatrices, dans une approche très plasticienne.

L’Amérique Latine est à l’honneur, mais il est curieux qu’en 2017 on continue de parier sur le très grand nombre d’images pour suppléer à une réflexion c’est le cas d’URBAN IMPULSES LATIN AMERICAN PHOTOGRAPHY, 1960-2016, de la collection Poniatowski. On y trouve bien entendu de très grands artistes comme Miguel Rio Branco ou Juan Carlos Romero, mais la classification bêtement thématique annule la singularité des propositions. A l’opposé le choix de 28 artistes columbiens de La Vuelta à la chapelle du Méjean est très significatif et révélateur d’une scène hyper-active d’où se détachent les déclinaisons multimédia des portraits d’Oscar Munoz.

La Colombie est approchée également à travers un choix exigeant de cinq diplômés de l’ENSP, trois colombiens, Hilda Caicedo, Andrés Donadio et Laura Quiñonez, et deux françaises, Leslie Moquin et Émilie Saubestre, Territorio bien scénographiée donne à voir ces regards décalés.

L’une des expositions les plus réussies montre la diversité des pratiques depuis 1979,, date de la révolution pour Iran, année 38. Une poésie visuelle engagée, des fictions documentaires mettent en valeur les travaux d’hommes et de femmes donnant une vision moins caricaturale de leur pays. Parmi eux trois femmes artistes se détachent Shadi Ghadirian, Tahmineh Monzavi et Saba Alizadeh qui trouvent une juste distance critique par rapport à la situation nationale.

Relire l’histoire à l’aune du présent

Un important ensemble prouve que pour être relue l’histoire de la photographie demande à être réactualisée. La fondation Dubuffet, le Musée de l’Elysée et les Rencontres se sont associés pour analyser comment le fondateur de l’art brut s’inspire de sources photographiques. Dans le cadre du 40eme anniversaire du Centre Georges Pompidou Carolina Ziebinska-Lewandoska réunit autour du Spectre du surréalisme un grand nombre d’œuvres historiquesqu’elle met en relation avec des pièces de la collection qui en constituent l’héritage sans en revendiquer forcément tous les parti-pris esthétiques. Cela permet une autre lecture de ces créations ainsi des séries d’Alix Cléo Roubaud ou des scènes d’Agnès Geoffray. Le retour sur la mission de la DATAR mené par Heloïse Conesa et Raphaële Bertho est accroché de façon un peu serré, c’est l’occasion de retrouver les œuvres qui nous ont marqué à l’époque, les ensembles photo et texte de Dominique Auerbacher, les contrepoints colorés de Tom Drahos, de découvrir des productions adjacentes comme les psychotopographies d’Holger Trulszch. La création spécifique la plus pertinente est sans conteste menée par Christian Milovanoff dont la réflexion vidéo Travail dramaturgique autour du livre BUREAUX constitue un trop rare exercice de making of d’un livre d’artiste.

Des fictions documentaires

Ce courant reste le plus représentatif de la création intellectuelle que l’on voit ici s’illustrer dans les deux domaines de la science et de l’idéologie. Lauréat du Photo Folio Review de l’an dernier David Fathi propose un ensemble singulier textes, documents et images de création sur Le dernier itinéraire de la femme immortelle. Depuis plus de cinq ans l’Inserm donne carte blanche à trois étudiants de l’ENSP qu’ils accueillent dans leurs différents laboratoires.(Ces dernières expositions de La recherche de l’art sont mises en valeur au Palais de la découverte jusqu’au 27 août 2017) . Particulièrement imaginatives les propositions de cette édition mêlent fascination pour l’iconographie scientifique (Florian Da Silva, Steven Daniel) et les délirantes fictions d’Anna Broujean.

Une découverte dans le domaine contre-idéologique est Mathieu Asselin qui dénonce les méfaits pour la santé des productions Monsanto. Dès l’entrée, un film de propagande commandé par la firme à Dysney montre la collusion avant d’en stigmatiser les nombreuses victimes, cohérent et efficace ce travail est nécessaire. Un dialogue fécond s’établit entre Guillaume Herbaut et Éléonore Lubna, diplômée de l’ENSP en 2016. Ils croisent leur regard sur l’Ukraine, où Guillaume a travaillé sur la zone de front, tandis Éléonore apporte ses témoignages sur les habitants qui ont fui.
 On retrouve aussi à Arles Samuel Gratacap dans un commissariat de Léa Bismuth, toujours aussi efficace dans son utilisation de toutes les formes photographiques. Fifty Fifty donne à voir et à entendre le sort tragique des migrants embarquant en Lybie. L’une des plus grandes réussites est le fait de la série Les Gorgan de Mathieu Pernot. Le titre rend hommage à une famille de roms arlésiens qu’il suit depuis plus de vingt ans. Chaque grand panneau mêlant noir et blanc et couleur est consacré à un seul membre de cette famille L’émouvante vidéo DIKHAV, les bords du fleuve accompagne le deuil d’un des fils très tôt décédé.

Une expérimentation plastique

La recherche plus purement plastique se trouve aussi fort bien représentée, notamment dans les choix très convainquants cette année du Prix Découvertes. On peut y apprécier les Nocturnes sensuels de Juliette Agnel, les découpes formalistes de Constance Nouvel et peut être plus encore les installations de Guy Martin mêlant documents, photos poétiques et vidéo. Une des expositions les plus intelligemment scénographiées Flux Feelings accueille à l’initiative de Paul di Felice, la création récente au Luxembourg. Pour respecter le care baroque de la Chapelle de la Charité les documents installés dans de larges vitrines dialoguent avec des œuvres simplement posées contre les colonnes, l’autel ou les marches des chapelles latérales , comme si la vraie recherche était toujours en mutation.

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